INFOS ÉDITEUR
Parution aux éditions Plon en janvier 2007 Parution aux éditions Points en mars 2008 Traduit du norvégien par Alex Fouillet En Norvège, un serial killer enlève des enfants, les enferme dans une cave, puis abandonne leurs cadavres aux parents avec cette note : « Tu as eu ce que tu méritais ». Le duo Stubø et Vik, l’un inspecteur principal, l’autre profiler expérimentée, mène l’enquête. Alors que les fausses pistes se multiplient, le tueur va toujours plus loin dans l’horreur. (Source : Points – Pages : 416 – ISBN : 9782757808498 – Prix : 7,60 €) |
L’AVIS DE CATHIE L.
Une Erreur Judiciaire, roman publié en 2001 en Norvège et en 20087/2008 en France, est le premier opus d’une série de trois romans consacrés au duo Inger Johanne Vik, profiler formée par le FBI, et Yngvar Stubo, inspecteur principal, série dont les deux titres suivants sont Cela n’arrive jamais et Madame la Présidente.
Cette première enquête de Vik et Stubo alterne des chapitres plus ou moins courts, chacun du point de vue d’un des personnages, y compris les enfants kidnappés et leur geôlier, afin de faire progresser l’intrigue jusqu’à sa conclusion: des faisceaux qui semblent n’avoir aucun rapport entre eux et qui, finalement, se rejoignent et donnent sens à toute l’histoire, comme les pièces d’un puzzle qui s’emboîtent jusqu’à restituer l’image finale.
L’écriture vive de ces chapitres donne un rythme soutenu au récit très agréable à suivre, malgré l’extrême sérieux de son propos ; pas de lenteur, pas d’enlisement, bien que le cœur du roman soit plus constitué par la formation et l’évolution du duo Vik/Stubo et la psychologie de tous les personnages, que les deux enquêtes menées en parallèle et dont on ignore si et de quelle manière elles peuvent être liées.
L’intrigue :
Alvhild Sofienberg, juriste à la retraite, ayant longtemps travaillé au ministère de la justice à Oslo, demande l’aide de Inger Johanne Vik, également juriste et psychologue. En effet, parmi tous les dossiers dont elle a eu à s’occuper au cours de sa carrière, une affaire l’a particulièrement marquée ; il s’agit de l’affaire d’Aksel Seier, un homme condamné à perpétuité pour l’enlèvement, le viol et le meurtre d’une fillette de 8 ans, malgré qu’il ait toujours clamé son innocence. Le plus étrange, dans cette affaire, est que, quelques années après son jugement, il avait été mystérieusement relâché sans toutefois être vraiment blanchi de toute accusation. Ensuite, il avait complètement disparu de la circulation. Taraudée par cette affaire qui, à son avis, relève de l’erreur judiciaire, Alvhild demande à Inger, dans le cadre de son programme de recherche en criminologie, de retrouver Seier afin de définitivement faire la lumière sur cette sordide affaire et de retrouver le repos.
Pendant ce temps, plusieurs enfants sont successivement enlevés dans Oslo. Chaque fois, la petite victime est retrouvée morte et empaquetée dans un sac poubelle à proximité du domicile des parents. Ce qui rend ces meurtres encore plus insoutenables est que chaque corps est retrouvé portant une simple note: » Tu as eu ce que tu méritais ». A la tête de la cellule chargée d’enquêter sur ces meurtres, l’inspecteur Stubo, pour la première fois de sa carrière, se sent dépassé et impuissant: alors que la population s’indigne, il ne peut s’appuyer sur aucun indice fiable, aucun début de piste ni aucun point commun entre les victimes. Ayant vu Johan Vik dans une émission de télévision dans laquelle elle évoquait son métier de profiler, il fera tout son possible pour la convaincre de lui venir en aide. Malgré ses réticences, Vik finira par accéder à sa demande. Ainsi commence cette fructueuse collaboration…
L’enquête menée par l’inspecteur principal Stubo et sa collaboratrice va rattraper celle menée dans le passé et ainsi confronter l’institution judiciaire norvégienne à ses lacunes, à ses erreurs ou encore aux impasses dans lesquelles il lui arrive de se fourvoyer. Egalement à une pathétique histoire humaine dont le tragique est accentué par les passages racontés du point de vue des enfants.
L’enquête – travail de profiler:
« Le profil d’un criminel inconnu s’élabore sur les traits connus des actes qu’il commet. C’est comme ces dessins que l’on reconstitue en joignant des points dans un ordre défini. On laisse le crayon suivre les numéros jusqu’à ce qu’une image concrète apparaisse. Deux points n’apportent rien, il en faut beaucoup. » (page 73)
Vik envisage l’affaire d’un point de vue psychologique : « Il n’est pas fou. Pas dans le sens que l’on donne traditionnellement à ce mot. Il n’est pas psychotique. Sinon, il n’aurait jamais été capable d’accomplir tout ça. N’oublie pas à quel point il enfreint la loi de façon sophistiquée. A quel point tout doit être planifié de A à Z. Mais, tout dépend de ce que tu entends par fou. Une âme détruite? Oui. Dément? Certainement pas.
- A côté de ça, cela ne lui pose aucun problème de tuer des enfants. C’est ce que tu es en train de me dire? Qu’il trouve normal de tuer des mômes, mais q’il n’est pas dément ?
- Oui. Ou non, en fait. Cela peut vouloir dire, dans un sens, qu’il est désolé que les enfants doivent mourir. Mais il a un but qui dépasse tout ça. Une tâche, si on peut risquer la comparaison. Une espèce de …mission. »
Psychologie du kidnappeur : « Un homme arrêté. Le prenaient-ils pour un amateur? Et croyaient-ils qu’il allait céder à la colère? Qu’il allait perdre son sang-froid juste parce qu’ils avaient appréhendé la mauvaise personne? Parce qu’ils attribuaient ses actes à quelqu’un d’autre? La police pensait-elle vraiment qu’il allait se dépêcher, faire des erreurs, commettre des imprudences?(…) Il savait précisément comment pensait la police. Il était psychopathe, croyaient-ils. Orgueilleux de ses crimes, supposaient-ils. La police voulait le blesser. Le pousser à la faute. A se vanter de ce qu’il faisait. L’homme à la télécommande le savait, il avait lu, étudié; il savait ce que ferait la police lorsqu’ils comprendraient qu’il était libre, lui qui enlevait les enfants et les tuait sans qu’ils comprennent pourquoi. Ils cherchaient à le provoquer.
Il les imaginait. Toutes les informations à propos des petits, rassemblées sur un grand tableau. Les photos, les données. Les ordinateurs. Age, sexe, vécu. Dates. Ils cherchaient des connexions. Ou un rythme. Ils faisaient certainement grand cas du fait qu’Emilie avait été enlevée un jeudi, Kim un mercredi, Sarah un mardi. Ils pensaient voir la lumière et s’attendaient qu’il se passe quelque chose un lundi. Le temps venu, quand l’enfant suivant disparaîtrait un dimanche, ils paniqueraient. Aucun rythme, se diraient-ils. Aucune routine! Le trouble les paralyserait et deviendrait insupportable à la disparition d’un nouvel enfant. » (Page 107).
Les personnages :
- Inger Johanne Vik: née en 1965, divorcée, juriste, psychologue, professeur à l’université.Mère de Kristiane âgée de 7 ans, souffrant très certainement d’une forme d’autisme, bien que communiquant avec son entourage d’une façon tout à fait particulière. Inger mène un travail de recherche sur 10 cas de condamnés se prétendant innocents remontant aux années 1950 à 1960, sa mission étant de découvrir la vérité.
- Yngvar Stubo: 45 ans, veuf, inspecteur principal à la Centrale de la Police Criminelle; « il ressemblait à un footballeur américain. Il était costaud, plus que concerné par la surcharge pondérale sans réellement dépasser la taille moyenne. » Quelques années plus tôt, sa fille est morte dans un stupide accident d’échafaudage, tuant sa mère et la femme de Stubo dans sa chute. Grand-père d’un petit garçon de trois ans qui le raccroche à la vie.
- Emilie Selbu: petite fille disparue.
- Grete: mère d’Emilie.
- Tonnes: père d’Emilie, traducteur.
- Tante Beate: tante d’Emilie, sœur de sa mère, médecin-chef.
- Aksel Seier: né en 1935, condamné à la prison à vie pour le viol et le meurtre d’une petite fille, quelques années plus tôt.
- Alvhild Sofienberg: 70 ans, retraitée du ministère de la justice norvégienne.
- Fredrik Skolten: détective privé, retraité de la police.
- Isak Aanonsen: père de Kristiane, fille d’Inger Vik.
- Le kidnappeur.
- Le duo Vik et Stubo: Vik, tenace, organisée, consciencieuse et tellement prévisible. Stubo possède une sorte de don, de sixième sens, qui l’aide dans ses enquêtes mais dont il peut difficilement parler sans passer pour un illuminé. Ensemble, ils vont poursuivre un tueur d’enfants en série dans une Norvège contemporaine dont Anne Holt esquisse une réalité bien plus complexe que l’image qu’elle véhicule en Europe. Naissance d’un duo très prometteur…
Mon avis :
Ayant été avocate pour la défense des enfants dans le cabinet qu’elle a créé, Anne Holt restitue de manière très réaliste, sans concession, cet aspect de la criminalité particulièrement sordide et écœurante, constatant ainsi l’échec de nos sociétés modernes à protéger efficacement nos enfants contre des êtres dénaturés au point de s’en prendre à des enfants sans défense. Ce roman bien construit fait écho à cette terreur sourde, profondément enfouie au fond de chacun de nous, en particulier ceux qui ont des enfants, face aux risques qu’ils encourent et de notre désir de les y soustraire.
Une Erreur Judiciaire pourrait, à première vue, ressembler à un énième roman mettant en scène un serial-killer, scénario très répandu dans la littérature policière. Mais qu’on ne s’y trompe pas ! Bien que son propos et sa construction n’aient rien d’original, c’est grâce à son intrigue solidement bâtie qu’il sort du lot. Le principe de l’erreur judiciaire, les recherches de Vik en psychologie criminelle, l’épaisseur et la crédibilité des personnages sont un vrai plus ; éléments relayés par le fait que la véritable motivation du tueur, assez inattendue de surcroît, ne se révèle que tardivement, venant contrebalancer la fin assez prévisible. Série à suivre …
En savoir plus sur Zonelivre
Subscribe to get the latest posts sent to your email.