INFOS ÉDITEUR
Parution aux éditions Odin en juin 1999 Parution aux éditions Points en juin 2000 Traduit du norvégien par Gro Tang Un petit criminel toxicomane est trouvé abattu, le visage atrocement défiguré, au bord de la rivière Aker à Oslo, un vendredi soir. Cela n’éveille guère l’attention. Mais lorsque l’avocat de la victime est également trouvé assassiné dans son appartement quelques jours plus tard, l’affaire prend une autre tournure. La police, qui a chargé l’inspecteur Hanne Wilhelmsen de l’enquête, entrevoit alors les contours d’une mafia de la drogue particulièrement bien organisée. Elle se doute rapidement que derrière celle-ci, se trouve le monde des privilégiés de la société norvégienne. Mais qui est véritablement impliqué ? Et jusqu’à quel point ? Anne Holt, avocate, qui a été Ministre de la Justice de son pays, la Norvège, est devenue, avec La Déesse aveugle, un des auteurs de romans policiers les plus lus. Couronnés de nombreux prix, ses livres sont aujourd’hui des best-sellers mondiaux. (Source : Points – Pages : 416 – ISBN : 9782020395144 – Prix : 7,70 €) |
L’AVIS DE CATHIE L.
Le roman s’ouvre sur un prologue daté du 28 septembre. La suite de l’histoire se découpe en chapitres datés du 29 septembre au 14 décembre, en une sorte de rétrospective.
Les premiers chapitres, enchaînant certains passages commençant par un « il » anonyme à d’autres évoquant des éléments d’enquête apparemment sans lien avec l’affaire, donnent une impression de désorganisation qui peut troubler le lecteur. Mais, peu à peu, l’intrigue s’installe et le roman monte en puissance.
« Il faisait un froid mordant et, si haut dans la montagne, la neige était tombée depuis déjà plusieurs semaines. Il avait posé ses pneus neige à Dokka, après deux ou trois dérapages spectaculaires sur la voie en sens inverse. Malgré cela, il eut tout de même quelques difficultés à grimper le chemin de forêt en pente raide. »
« Il ne se sentait pas solitaire, juste un peu seul peut-être. La voix féminine du journal télévisé, agressive et informelle, lui tenait compagnie. Il avait hérité du fauteuil de sa grand-mère. Il était confortable. C’est pourquoi il l’avait mis en service, bien que sa grand-mère ait retrouvé son sauveur dans ce même fauteuil. Il y avait toujours deux taches de sang sur un des accoudoirs, tombées probablement quand elle s’était cogné la tête contre la bibliothèque, au moment où son cœur lâcha. »
=> Pendant longtemps, le lecteur ne saura pas de qui on parle et quel est le rôle de ce personnage anonyme dans l’histoire.
L’originalité de cette histoire est que le coupable est épinglé en milieu de roman, permettant au lecteur d’assister à l’enquête interne dans le délai imparti par la loi pour trouver les preuves manquantes.
LES THÈMES : Anne Holt dénonce ici des faits de la société moderne comme la corruption qui gangrène les milieux politiques et une certaine « mafia » de la drogue touchant des milieux sociaux favorisés : la « bonne « société norvégienne, notamment des avocats véreux avec des ramifications jusque dans les services secrets.
L’INTRIGUE
- Karen Borg, avocate originaire de Bergen, alors qu’elle fait son jogging, découvre le corps d’un petit criminel, le visage défiguré.
- Hans van der Kerch, étudiant hollandais fiché comme trafiquant de drogue, se fait arrêter alors qu’il déambule dans des vêtements ensanglantés sans être pour autant blessé. Mis en cellule, il refuse de répondre à toute question. Il déclare ne vouloir parler qu’à Karen Borg. Elle accepte avec réticence, mais quand Peter Strup, célèbre avocat, se déplace personnellement et insiste pour reprendre son client, Karen est intriguée : « Il y a quelque chose qui ne va pas. Il ne peut pas être en panne d’affaires, et puis il a fait l’effort de se déplacer jusqu’à mon bureau. » Peter Strup serait-il en cheville avec les milieux de la drogue ?
- Quelques jours plus tard, Karen se fait agresser dans les couloirs de la préfecture. Le dossier avec ses notes personnelles disparaît.
- Jusqu’à présent, la police n’a pas vraiment pris cette affaire au sérieux , mais quand l’avocat Olsen est retrouvé assassiné dans son bureau, et que son confrère Lavik est directement impliqué, les choses prennent une toute autre tournure.
- Désormais, c’est la course contre la montre : le juge donne une semaine aux enquêteurs pour trouver les preuves qui permettront d’inculper l’avocat.
Peu d’action dans ce roman mais l’intrigue est bien ficelée et le décryptage des mécanismes de la justice norvégienne crée un suspense passionnant. Cela me rappelle la fameuse série « Perry Mason » dans laquelle le célèbre avocat devait trouver les preuves qui lui permettraient de monter un dossier de défense en béton.
L’ENQUÊTE
l’enquête proprement dite se déroule en deux phases:
dans la première partie, la police ne prend pas vraiment au sérieux le meurtre d’un vulgaire trafiquant de drogue, ni l’arrestation d’un autre trafiquant. Pour elle, ce n’est que du menu fretin, la routine qui ne mène pas très loin. « L’introduction elle-même de la drogue est si désespérément facile. Avec des frontières comme celles que nous avons, des ports innombrables, un trafic d’avions et de voitures qui vrombissent par les douanes, il est clair et net qu’il est quasiment impossible d’effectuer un contrôle efficace. » A vrai dire, les responsables ont d’autres chats à fouetter : « La visite du ministre de la Justice venait à la suite d’une série d’articles sur les conditions de détention difficiles, et il devait en même temps s’entretenir avec le chef de la police concernant la redoutable criminalité de rue en pleine croissance. »
Mais quand le cadavre d’Olsen, un avocat issu de la bonne société, est retrouvé dans son bureau, et qu’un de ses collègues se retrouve directement impliqué ça change la donne! La police se dispose que de quelques jours pour trouver les preuves nécessaires à son inculpation. Hanne, l’inspectrice chargée de l’enquête, dispose de bien peu d’éléments :
« Nous avons un drogué mort. Le coupable pris et reconnu, mais il refuse de donner les motifs (…) Puis, nous avons un avocat mort, assassiné d’une façon un peu plus raffinée. Nous savons que les deux tués se connaissaient. Ils avaient un rendez-vous le jour même où le premier rangea ses pantoufles pour de bon.
-Qu’est-ce que nous avons de plus?
Il continua d’écrire sans attendre la réponse.
-Quelques rumeurs vagues et sujettes à caution concernant le trafic de drogue d’un avocat inconnu. »
Malgré les difficultés à lutter contre le trafic de drogue inhérentes à la géographie de la Norvège, le travail de la brigade des stups est mis en avant dans ce roman :
« La patrouille des stups était à la fois le mouton noir et la fierté du commissariat. Depuis qu’ils faisaient partie du service, les policiers en jeans, certains à cheveux longs et mal soignés, ne s’étaient jamais sentis concernés par les codes vestimentaires. Ils n’y étaient pas non plus astreints (…) Peu d’entre eux avaient poussé le bouchon si loin qu’ils aient pu être déclassés, pour une durée limitée, en général, vers un boulot administratif ennuyeux à mourir. Car la police adorait son équipe en jeans. La patrouille des stups était efficace, travaillait dur, et était de temps à autre honorée de la visite de ses collègues danois ou suédois, qui venaient sans le moindre préavis, et repartaient toujours remplis d’une admiration sans bornes. »
Ça sent le vécu !!!!
LES LIEUX, L’AMBIANCE
« La déesse aveugle » est un roman policier citadin dont toute l’histoire se déroule (presque) exclusivement à Oslo. Je dis presque parce que certaines scènes se déroulent dans les environs de la capitale. Mais pour l’essentiel, le lecteur arpente les couloirs du commissariat : « Le bâtiment était assez récent, sans âme, sans histoire (…) Il y règne une atmosphère pesante et terne de modernisme froid, alourdie par une incompétence du Service Public et de conflits internes. Le bâtiment est grand et légèrement incurvé (…) et se trouve coincé entre la chapelle et le pénitencier… » Petit règlement de comptes en passant…
LE CLIMAT occupe forcément une place de choix dans les romans scandinaves; c’est lui qui donne le ton, qui tisse l’ambiance, le décor : « L’hiver s’était annoncé prématurément à grands coups de sabre, mais il avait dû mordre la poussière dans l’herbe roussie par le gel, pour laisser la place à un automne frileux venu à son heure (…) La pluie sentait la neige en beaucoup plus aigre. »
LES PERSONNAGES
Parmi les personnages des romans de Anne Holt, se trouvent des figures masculines intéressantes. Mais ce sont surtout les personnages féminins qui se détachent afin d’occuper le devant de la scène. Elles montrent une personnalité complexe, attachante, pleine de ressources.
Karen Borg est une avocate d’affaires en vue, âgée de 35 ans :
« Elle avait été la 4e femme prise à l’essai et la première à réussir. L’examen passé l’année suivante, elle reçut l’offre d’un poste, des clients intéressants et un salaire presque indécent. »
Mais c’est incontestablement Hanne Wilhelmsen qui sort du lot :
« Très belle, policier très doué, première de sa promotion, lesbienne, en couple avec une femme médecin. »
« Hanne Wilhelmsen avait cette intuition au bout des doigts, qu’ a un policier sur cent, de sentir quand on devait tenter et piéger un suspect, ou quand on devait amadouer et taper du poing sur la table. Elle était respectée, admirée et le méritait réellement. »
Portrait un peu trop dithyrambique à mon goût pour une seule et même femme… mais nous évoluons dans le domaine du romanesque, alors pourquoi pas !!
MON AVIS
Malgré de petites restrictions exposées au long de ma chronique, Anne Holt signe ici un premier roman qui montre à quel point elle maîtrise son sujet avec un certain talent pour inventer des mises en scènes bien ficelées. Je vous en recommande chaudement la lecture…
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