Alan SPADE : Une enquête de Vick Lempereur – Les nouveaux gardiens

Les nouveaux gardiens Alan Spade

Les Nouveaux gardiens a été publié en 2019 par les éditions Emmanuel Guillot. Le style, parfois ampoulé, un  peu emphatique : « Sa coiffure iroquoise et ses cheveux très noirs, tranchant avec sa peau d’albâtre, étaient ce que l’on remarquait en premier. Le plus déstabilisant était la jeunesse de ses traits de visage. Ses yeux ovales, son nez parfaitement proportionné et sa petite bouche cruelle n’avaient pas quitté les rivages de l’adolescence. » (Page 54)… conférant au roman une certaine lourdeur heureusement compensée par des phrases rythmées, riches de détails s’envolant comme des circonvolutions : « Sans plus se formaliser, le Latino ouvrit le bar, puis, dès que Vick l’eut rejoint, une trappe dans le sol, invisible de l’extérieur. Il alluma et précéda Vick au bas d’une échelle métallique menant à une cave bétonnée. Sous la lumière crue des néons, des caisses de spiritueux s’alignaient le long des murs…Le Mexicain conduisit Vick dans un réduit poussiéreux, doté d’un simple soupirail et où un ordinateur sur une table avait pour voisine une araignée dans sa toile au coin du mur. » (Page 41).

Le récit se déroule lentement du point de vue de Vick et d’un point de vue externe, de façon à donner le maximum de détails. Fil rouge: les citations de Lao Tseu, philosophe et sage chinois qui aurait vécu au milieu du Ve siècle avant notre ère.

Quelques mois après Passager Clandestin, nous retrouvons Vick Lempereur pour une mission que lui confie Valérie Bastel, l’héritière du groupe Dastel dont nous avons fait la connaissance dans l’opus précédent: enquêter sur Future Meat, filiale de Dastel, dont les travaux effectués en labo stagnent curieusement, malgré les énormes moyens déployés : « J’ai étudié de près les explications que l’on m’a fournies, fit-elle, et j’ai trouvé des incohérences. Nous avons les meilleurs spécialistes et pourtant nous sommes en train de nous faire dépasser par nos concurrents en Hollande » (Page 27).

Cette fois, Vick n’agit pas en solitaire mais fait partie d’un groupe appelé « Les Nouveaux Gardiens », une organisation qui a pour but d’agir en faveur du bien public. C’est alors que grâce à une nouvelle expérience de possession, Vick parvient à empêcher un pyromane de mettre le feu à la forêt sur les hauteurs d’Oakland, colline de Clarmont.

San Francisco. Ryan Cochrane, qui semble possédé, agresse violemment l’un de ses collègues, avant de décéder soudainement. Parmi les personnes ayant assisté à la scène, plusieurs affirmeront « avoir vu une silhouette floue s’extraire du corps de Ryan avant de disparaître. Tout le monde s’accorda à dire qu’un courant d’air glacial avait traversé la pièce. » (Page 18).

Pourquoi la blogueuse vegan, Sloane Kinsley, avait Future Meat dans son collimateur alors que l’entreprise ne représente qu’une faible menace comparée à d’autres : « Les usines à méthane sur pattes représentaient un danger pour la planète sacrément plus urgent  que quelques expérimentations sur de la viande artificielle… Décidément, le choix de Sloane de s’en prendre en priorité à Future Meat posait question. » (Page 59).

=>Quel rapport peut bien exister entre toutes ces pistes qui semblent s’égarer dans la nature sans aucun lien? C’est ce que l’intrigue savamment complexe élaborée par Alan Spade révélera…

Les Nouveaux Gardiens

Organisation qui a pour objectif d’agir en faveur du bien public, garants d’un équilibre qui permette un sain développement du capitalisme pour le bien de tous => Une belle utopie à laquelle sont consacrés de gros moyens financiers, qui recrute des personnes développant des dons particuliers, peu importent leurs origines sociales et raciales. « Nous nous efforçons de choisir nos combats avec discernement afin de garantir une égalité des chances dans le monde de l’entreprise » (Page 86)… privilégiant l’action et les décisions rapidement prises, rapidement exécutées.

Les Nouveaux Gardiens propose une réflexion objective, intelligente et philosophique à propos de l’usage et de la gestion de l’être humain des ressources de sa planète, son lieu de vie: les dérives pour de l’argent, la mégalomanie des puissants, le pillage des ressources sont montrés du doigt : « Les étendues de terre gagnées sur la mer à grand renfort de bulldozers et d’aménagements étaient l’une des attractions touristiques phare de Dubaï…Un projet ahurissant, qui visait à ébahir le touriste. A présent qu’il s’était documenté, Vick savait cependant que ce type de réalisation avait un coût pour la planète. Combien de milliers de tonnes de sable avait-il fallu pour parvenir à cela ? » (Page 130).

Néanmoins, le propos de l’auteur et son intrigue gagneraient en efficacité avec une écriture plus ramassée, un style plus direct ne s’égarant pas dans des méandres déconcertant, comme il sait le faire dans les scènes d’action : « Vick lui laissa prendre un peu d’avance afin d’anticiper au mieux sa trajectoire. Le sang lui battait dans les tempes tandis que ses pieds se jouaient des racines traîtresses et autres accidents de terrain…Tout deux roulèrent dans la pente mais ce fut Vick qui se releva le premier… Le jeune était à présent affalé sur le dos, les bras en croix, la bouche sanguinolente. » (Page 55). L’intérêt de cet épisode est de voir Vick évoluer au sein d’une organisation et d’accomplir des missions avec des équipiers, ce qui, à mon sens, rend ses enquêtes plus vivantes.