- Auto Éditions le 5 octobre 2014
- Pages : 241
- ISBN : 9791094677025
- Prix : 7,45 €
PRÉSENTATION ÉDITEUR
Visitez des temps obscurs où le magique et le religieux se disputaient les hommes… Où le pouvoir et l’ambition dévoraient déjà les âmes… Tandis que les Anglais ne renoncent pas au trône de France et que les Grands du Royaume complotent contre un roi retors en quête du pouvoir absolu, un crime sanglant frappe le chemin de Compostelle. Bientôt le danger cerne un paisible village. Retrouvez les personnages des Loups du Pontet dans Les Pirates de l’Estuaire et dans Cuvée Royale, qui vient de paraître.
L’AVIS DE CATHIE L.
Mystères et diableries sous Louis XI : Les loups du Pontet est paru en 2014. Le style est soigné, le vocabulaire choisi : « Dissimulés de la Fréchou par la taillis de ses épais sourcils, les yeux du pèlerin brillèrent d’une vivacité et d’une lueur bien peu en accord avec l’aspect souffreteux du vieillard grelottant, le menton affaissé sur la poitrine. Immobile, il fouilla la pénombre du regard à la recherche de ce qu’il était en fait venu chercher là. » (Page 6).
La présentation du roman est tout aussi soignée avec un préambule historique précisant le contexte de l’époque à laquelle se passe l’histoire. Les scènes d’action sont crédibles et bien construites : « Se retournant à demi, il vit le cercle rapide d’un gourdin destiné à sa nuque. Du bras, il dévia la trajectoire, finissant de faire face au danger. Poussant un grognement sous la douleur qui traversait son avant-bras, il réussit pourtant à désarmer son adversaire avant même que celui-ci eût fini son geste, l’envoyant rouler dans la vase. Il découvrit alors les deux autres compères qui s’apprêtaient à fondre sur lui, pareillement armés d’impressionnants gourdins, à la mesure de leurs imposants propriétaires. » (Page 123).
Contexte politique : la région de Bordeaux, où se passe l’histoire racontée dans Les Loups du Pontet, subit encore les sanctions imposées par le roi de France Charles VII qui l’a pressurée de taxes pour la punir d’avoir appelé les Anglais à son aide. Le roi ne respectant pas leur accord suite à la défaite anglaise, les bourgeois de Bordeaux avaient cru bon de demander secours à leur ancien duc, le roi d’Angleterre Henri VI, qui leur envoya une flotte commandée par Talbot, qui fut malheureusement défaite. Louis XI, fils et successeur de Charles VII, comprenant qu’une telle politique entravait le commerce, source de profit appréciable pour le royaume, allégea quelque peu sa lourde domination, mais si peu… « Chaque Anglais qui dépasse Blaye doit être muni d’un sauf-conduit, et s’il désire rester à terre à la nuit il ne doit pas quitter la résidence qu’on lui a assignée… Il doit aussi effectuer tous ses déplacements accompagné de sergents du guet comme un malfaiteur…Ces stupides précautions entravent le commerce des honnêtes marchands et n’aura pour résultat que notre ruine à tous… » (Page 12)… Le mécontentement gagne même les grands seigneurs régnant sur des provinces plus vastes et plus riches que le royaume de France : « Philippe de Bourgogne trouve que Louis XI jette des regards un peu trop gourmands sur son duché…François II de Bretagne aussi d’ailleurs…D’autres puissants seigneurs s’inquiètent eux aussi, ou sont mécontents des taxes que Louis exige maintenant… » (Page 21)
Mise en scène: le lecteur se retrouve très vite plongé dans l’ambiance, mettant ses pas dans ceux des personnages et vivant leurs aventures avec une étonnante facilité :
« Sous les arbres séculaires la nuit était maintenant devenue presque totale. Dès la sortie de Bordeaux, le chemin de Compostelle devenait tel qu’il était déjà bien des siècles auparavant. Son revêtement de dalles romaines plus que millénaire était usé, profondément creusé par le passage d’une multitude de chariots depuis ceux des cohortes romaines se rendant à Dax ou Bayonne. Les marécages de la sortie de la ville dépassés, les pèlerins s’enfonçaient sous les arbres de l’épaisse et inquiétante forêt du Cernès qui s’étendait encore jusque-là et n’en ressortaient que pour aborder des landes désertes et sablonneuses plus au sud. » (Page 23).
L’élégance du style concerne également le décor amené par des descriptions circonstanciées sans être trop présentes, grâce à un vocabulaire judicieux, donnant un aperçu très réaliste de la configuration des lieux à l’époque de l’histoire :
« Du portail où se tenait Thomas, un autre chemin, bordé lui aussi de prés ou de parcelles cultivées, la différence était difficile à faire sous la neige, menait à un hameau un peu à l’écart de la demeure du maître. Au-delà du hameau, derrière le mur ceinturant le domaine, la masse sombre de la forêt visible tout autour indiquait que les terres de Montignac formaient une immense clairière gagnée sur la forêt. » (Page 53).
L’intrigue
Intrigue élaborée et cohérente, enclose dans la situation politique complexe de l’Aquitaine et de sa capitale Bordeaux, dix années après la fin de la Guerre de Cent Ans : les nostalgiques de la souveraineté anglaise qui avait multiplié les chartes d’exonération de taxes afin de favoriser les échanges commerciaux, se heurtant aux fidèles du défunt roi Charles VII auxquels son fils et successeur Louis XI ne pardonne pas leur soutien indéfectible à son père, avec lequel il avait entretenu un conflit plus ou moins latent.
Un mystérieux pèlerin, âgé et souffreteux, soudain métamorphosé en fringuant chevalier rend visite à La Fréchou. Qu’est-il venu chercher ? Qu’est cette pierre qui semble fortement l’intéresser ? Tandis que frère Etienne, mandataire de l’abbé de Sainte-Croix, s’enquiert du neveu de Sir Ashley qui semblait avoir résolu le problème de la fabrication du verre le plus pur, le jeune homme étant le seul qui pourrait se souvenir du secret de son oncle.
Par une nuit d’hiver, trois paysannes disparaissent dans la forêt attenante au Pontet, village appartenant à Thomas Rus, sur la route de Compostelle. Le jeune homme, mandaté par son oncle, jurat de Bordeaux et prévôt de la comté d’Ornon, mène l’enquête. Mais l’affaire est grave : les villageois du Pontet, jalousés par leurs voisins, sont accusés de sorcellerie. Thomas, aidé de son fidèle ami Paul, parviendra-t-il à conjurer les forces diaboliques, menées par le redoutable Montignac, qui ont juré sa perte ?
Les lieux
Les Loups du Pontet offre différents tableaux de la ville de Bordeaux et de ses environs au XVe siècle, donnant un aperçu de son ambiance aussi proche que possible de la réalité, pour une immersion historique dépaysante :
« Bien sûr, il avait vu l’inévitable faune de tire-goussets, de vendeurs de fausses reliques assaillir les pèlerins de passage; bien sûr, les prostituées aguichaient les passants à l’entrée des ruelles… La misère était grande, hors les murailles, et les bateaux ne seraient jamais assez nombreux dans le port ni les vignobles assez vastes autour de la ville pour donner du travail à tous. » (Page 33)
En conclusion
Une belle réussite pour ce premier volet des aventures de Thomas et Paula : de l’humour, du suspense : « Il se contraignit pourtant à attendre que la cour soit redevenue parfaitement silencieuse. Quand le froid lui fut insupportable, il déplaça silencieusement une tuile et tenta de voir s’il pouvait pénétrer dans la grange. L’obscurité y était totale…Il se tapit un moment, inquiet à l’idée qu’un serviteur ait été en train de dormir dans quelque recoin de la grange. » (Page 107), des rebondissements, beaucoup d’action.
Le + : Alain Bosc est très au fait de l’organisation complexe de la société médiévale du 15e siècle, des rivalités, des ambitions des différentes classes, des relations hiérarchiques très compartimentées. Les nombreuses précisions concernant le contexte politique, notamment la double entité des habitants de la région déchirés entre le fait d’être Anglais et/ou Gascon et les dialogues constructifs récapitulent les événements de façon claire et précise sans alourdir le récit qui reste vivant et agréable à lire. Un très bon divertissement que je vous recommande chaleureusement.
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