Aymeric Janier : Brisures de guerre

Aymeric Janier : Brisures de guerre

Présentation Éditeur

Los Angeles, 1989
Walter, dix ans, se rend chez son grand-père, dont il adore les récits militaires. Mais, cette fois, l’histoire que son aïeul s’apprête à lui confier en est une qu’il a toujours gardée secrète…

1941
Alors que l’Europe affronte les nazis, en Californie, George Halloway, jeune pilote américain insouciant, tombe sous le charme d’Akemi Nishikori, une Américaine d’origine japonaise. Leur amour est une évidence. Jusqu’à l’attaque nippone de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941. Les États-Unis entrent
en guerre et l’ennemi est désigné : il porte les traits d’Akemi.

Du jour au lendemain, celle-ci devient une paria, traquée sur la terre qui l’a vue naître. Tandis que s’y ouvrent des camps d’internement et que la guerre consume le monde, George se retrouve pris au piège entre son devoir, son pays et un amour désormais impossible.

Mais peut-on encore aimer quand tout nous pousse à haïr ?

Brisures de guerre est une fresque poignante dans laquelle l’amour se heurte aux blessures de l’histoire, un roman qui nous plonge au cœur d’une période troublée où chaque décision peut tout faire basculer.

Origine Flag-FRANCE
Éditions Beta Publisher
Date 16 mai 2025
Pages 328
ISBN 9782383920755
Prix 19,00 €
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L'avis de Nicolas Bücher

Brisures de guerre d’Aymeric Janier : un roman de la postmémoire et des identités fracturées

Publié en 2025 aux éditions Beta Publisher, Brisures de guerre d’Aymeric Janier s’inscrit dans le champ de la littérature mémorielle contemporaine. Ce roman interroge la transmission des traumatismes historiques à travers une structure narrative intergénérationnelle et une mise en tension entre mémoire intime et récit national. Il constitue un objet d’étude riche dans les perspectives croisées des memory studies, de la narratologie et de la sociologie historique.

Mémoire transgénérationnelle et construction de la postmémoire

Le roman s’ouvre dans un contexte symbolique fort : la mort de l’empereur Hirohito, le 7 janvier 1989. Cette date marque la fin d’une ère au Japon, mais aussi un seuil mémoriel dans l’intrigue : c’est ce jour-là que George Halloway, vétéran américain, décide de raconter à son petit-fils Walter son expérience de la guerre du Pacifique. Ce geste narratif, tardif, opère une transmission différée du trauma, qui renvoie à la notion de postmémoire, théorisée par Marianne Hirsch. La postmémoire se définit comme « l’expérience que font les générations suivantes de ceux qui ont vécu un événement traumatique majeur, mais qui en héritent à travers des récits, des images et des comportements » (Hirsch, The Generation of Postmemory, 2012).

Cette dynamique se manifeste ici par un double effet : d’un côté, George cherche à briser le silence, de l’autre, Walter reçoit un récit dont il n’est pas témoin direct mais qu’il va devoir intégrer à sa propre construction identitaire. Le roman devient ainsi un espace d’articulation entre oubli et mémoire, entre refoulement et révélation, entre Histoire collective et histoire familiale.

La guerre du Pacifique comme théâtre d’exclusion

Aymeric Janier inscrit son intrigue dans un moment-clé de l’histoire américaine : l’entrée en guerre contre le Japon, les tensions raciales internes, et l’internement massif des citoyens nippo-américains sur le sol américain. Ce contexte permet d’analyser le roman à l’aune des travaux de Takaki (1993) sur l’histoire multiculturelle des États-Unis, notamment la manière dont les minorités asiatiques ont été historiquement perçues comme des menaces intérieures, même en pleine citoyenneté.

Le personnage d’Akemi, Nippo-Américaine née aux États-Unis, cristallise cette position liminale : à la fois héritière d’une culture stigmatisée et profondément intégrée à la nation américaine, elle incarne une identité fragmentée. Le rejet qu’elle subit n’est pas seulement social ou familial, mais structurel. Ce traitement narratif permet d’envisager Brisures de guerre comme un roman de la double conscience (cf. W.E.B. Du Bois) et de la marginalité dans le contexte d’un nationalisme militaire exacerbé.

Représenter le trauma sans spectacle : une éthique littéraire

La narration se distingue par sa sobriété émotionnelle et sa structure dialogique, qui évite le sensationnalisme au profit de la nuance. L’évocation du racisme, de l’antisémitisme et des dilemmes moraux de la guerre est filtrée par la subjectivité de George, mais aussi par le regard de Walter, qui devient récepteur et médiateur du récit.

Ce choix narratif s’apparente à ce que Dominick LaCapra appelle une « représentation éthique du trauma », c’est-à-dire une mise en récit qui ne cherche pas à reproduire la violence du traumatisme, mais à en penser les effets différés et les apories (Writing History, Writing Trauma, 2001). Le roman interroge alors moins l’événement en tant que tel que les formes de sa survivance dans la psyché individuelle et les dynamiques familiales.

Un roman comme support pédagogique et réflexif

Du point de vue universitaire, Brisures de guerre offre de nombreuses pistes d’analyse :

  • En littérature comparée, il permet une mise en dialogue avec des œuvres comme La Route de Cormac McCarthy (pour la relation père-fils dans un monde traumatique) ou La Maison aux esprits d’Isabel Allende (pour la mémoire familiale au prisme de l’histoire nationale).
  • En histoire culturelle, il illustre la transformation du récit de guerre en objet littéraire postmoderne, centré non plus sur l’héroïsme, mais sur la mémoire, le doute et la faillibilité.
  • En études mémorielles, il peut être étudié comme un exemple de fiction historiographique (cf. Linda Hutcheon) ou de roman de postmémoire (cf. Hirsch, Assmann, LaCapra).
Nicolas Bücher
Nicolas Bücher
Journaliste et passionné de littérature

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