« Maggie Exton, de Zoé SHEPARD, un moment de lecture d’une grande intensité qui ravira les adeptes du genre. »
Présentation Éditeur
Depuis des mois, Baltimore ne respire plus. Un serial killer surnommé « le Cinéphile » assassine des femmes qu’il embaume, avant de les grimer en Grace Kelly.
Tout s’emballe quand disparaît Maggie Exton, l’épouse du chef de cabinet adjoint de la Maison Blanche. Cette fois, l’État doit réagir.
Ils seront trois à mener l’enquête : Thomas Lynch, un flic qui compense sa mauvaise humeur par une consommation excessive de donuts ; Jack Miller, un ex du FBI trompé par sa femme et reconverti en détective privé ; et Peter, un geek misanthrope à l’intelligence supérieure. Jamais ils n’auraient imaginé jusqu’où l’affaire les mènerait. Car la fin justifie les moyens et la CIA ne recule devant rien, surtout devant l’innommable.
L'avis de Cathie L.
Zoé Shepard est le nom de plume de l’écrivain français Aurélie Boullet. Née le 6 octobre 1979 à Orsay de parents enseignants en collège. Titulaire d’une maîtrise d’histoire et d’un diplôme de l’Institut d’études politiques de Bordeaux, elle est l’auteur de trois pamphlets ayant pour thème le fonctionnement de l’administration française.
Administratrice territoriale, elle entre en 2007 comme chargée de mission à la délégation européenne et internationale du Conseil Régional d’Aquitaine., exp »rience qui lui inspirera son premier ouvrage polémique.
Maggie Exton, publié en 2019 par les éditions Stock puis en version poche par les éditions J’ai Lu en 2021, est sa première fiction. Le style est plaisant, fluide :
« Thomas fit courir le faisceau lumineux de sa lampe, révélant le miroitement terni d’un téléphone en bakélite tenu par une main aux ongles soigneusement vernis. Plus haut, la lumière révéla des bras recouverts de manches en dentelle. Thomas remonta jusqu’à la découpe délicate d’une robe bustier rouge et approcha sa main au-dessus du fin pendentif doré. » (Page 23)…
Le ton est souvent sarcastique, un rien désabusé :
« Avant même de sonner à la porte, sa femme l’avait soigneusement briefé: quoi qu’il arrive, quelle que soit l’énormité qui sort de la bouche de Richard, tu ne cries pas. Donc Thomas n’avait pas crié. Il avait stoïquement supporté le match de soccer coincé sur le canapé avec son beau-frère qui, entre deux gorgées de bière et une poignée de cacahuètes, invectivait chaque joueur à coups de « Mais cours! Bordel, cours! C’est payé des millions de dollars et ça court pas! Trop haut! Et voilà, il n’était pas sur ses appuis! Et l’autre qui bouge même pas. Ils ont quand même tous des gueules d’abrutis, non ? » (Page 18).
Construction
Partie 1, vendredi 8 janvier 2016 : racontée au passé à la troisième personne selon le point de vue de Thomas mais également à la première personne du point de vue du détective privé => Deux visions différentes de la même affaire. A cela s’ajoutent des passages à la troisième personne au présent consacrés au tueur =>Décalage par rapport à l’enquête.
Thèmes
Surveillance de masse à outrance justifiée par la lutte anti-terroriste, interventionnisme américain, cyber surveillance, violation des droits fondamentaux: liberté d’expression, droit au secret de la vie privée et droit du citoyen à l’information dans les enquêtes dont il fait l’objet ; expériences menées par la CIA sur des enfants: caisson d’immersion, « centres de vacances » spéciaux pour enfants cobaye (cela me rappelle la très brillante série américaine « Fringe » qui aborde le même sujet).
Fil rouge : critique acerbe à peine voilée du « modèle » américain et de la politique américaine suite aux attentats du 11 septembre :
« Comme Max me l’expliqua, l’Extraordinary Rendition Program consistait à faire disparaître de soi-disant suspects de terrorisme pour les faire torturer dans des pays alliés. La CIA avait organisé un vaste réseau secret de kidnapping et de détentions à travers le monde. Les personnes arrêtées étaient considérées comme disparues. Leurs arrestations n’étaient donc pas signalées. Elles ignoraient où elles étaient conduites, qui les détenait et où elles étaient retenues avant d’être interrogées hors de tout cadre légal. » (Page 174).
Suite à la réception d’un texto anonyme, le corps de Claire Spencer, disparue deux mois plus tôt, en novembre, est retrouvé dans un entrepôt désaffecté. Détail intriguant : alors qu’il pleut depuis dix jours, les enquêteurs ne relèvent aucune trace de pas. Il semble que Claire soit la quatrième victime d’un tueur en série qui sévit à Baltimore depuis quelques mois. Ironie de la situation: bien que Baltimore soit considérée comme la ville pionnière en matière de surveillance ne paraît pas gêner le tueur outre mesure qui dépose tranquillement le corps embaumés de ses victimes avant de prévenir la police par texto.
Le tueur, surnommé « le cinéphile », enlève ses victimes entre Washington et Baltimore, distantes de seulement soixante-neuf kilomètres. Elles ne se connaissent pas, n’appartiennent pas à la même catégorie socio-professionnelle, n’ont aucun fréquentations communes et n’habitent même pas dans la même ville. Dans ces conditions, il est difficile pour la police de retrouver sa trace.
Quelques heures après la découverte du corps de Claire Spencer, Maggie Exton, psychiatre renommée, disparaît. Enlevée par le cinéphile ? S’agissant de l’épouse du troisième homme le plus important de l’administration américaine, d’importants moyens sont aussitôt mis en oeuvre : la police de Baltimore où le professeur Exton possède son bureau ; l’agence du FBI de Washington est chargée de l’analyse des données techniques ; Martin Exton, époux de la disparue, exige que le détective privé Jack Miller, le seul en qui il ait, confiance, dirige l’enquête. Décision qui fait grincer bien des dents, mais qui s’opposerait à un ordre émis par le chef de cabinet adjoint du président des Etats-Unis ?
Il est rapidement établi que le docteur Exton a disparu entre l’université John-Hopkins où elle donne des cours, et son domicile. Elle a envoyé un texto à son mari pour le prévenir qu’elle passait au pressing avant de rentrer. Elle n’est jamais arrivée chez elle. Pas plus qu’elle ne s’est rendue au pressing. Plus personne n’a eu de ses nouvelles après 18h30.
De fausses pistes en impasses, d’absences d’indices et de témoignages en de multiples mobiles, l’enquête piétine. Aucune piste sérieuse. La police et le FBI sont sur les dents. D’autant que John Exton, septième plus grosse fortune américaine, adjoint au maire de New-York, favori aux prochaines élections municipales, fait pression. L’inspecteur Thomas Lynch et le détective Jack Miller ne réalisent pas combien cette enquête extrêmement complexe et délicate va les mener sur des chemins qu’ils n’auraient jamais envisagés.
Ce premier thriller de Zoé Shepard présente les qualités qui font les romans policiers de qualité : des dialogues réalistes participant à l’ambiance; des scènes d’action cohérentes ; des personnages humains, ni bons, ni méchants, mais flirtant sans cesse avec les limites imposées par la société, des enquêteurs aux prises avec les difficultés d’une enquête fédérale jointe à une enquête locale ; bien que le ton ne soit pas polémique, des thèmes socio-politiques qui posent des questions cruciales, poussant le lecteur à s’interroger à propos des agissements de nos dirigeants, qu’ils soient américains ou européens.
Le + : façon simple et efficace de poser le décor et la situation tout en donnant de nombreux détails pour un ancrage dans la réalité plus prégnant, un peu à la manière des documentaires.
Maggie Exton, un moment de lecture d’une grande intensité qui ravira les adeptes du genre. Divertissement et réflexion : combo gagnant pour ce premier titre du genre de Zoé Shepard.
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