INFOS ÉDITEUR
Parution aux éditions La Martinière en septembre 2017 Traduit par Quand des citoyens décident de rendre justice par eux-mêmes en s’inspirant des exécutions du dernier bourreau anglais Albert Pierrepoint, l’enquêteur Max Wolfe vacille : le bien est-il vraiment là où on pense ? Londres est caniculaire. Les jours sont étouffants, les nuits poisseuses. Et plus que jamais bien et mal se confondent. D’un côté la police qui ne parvient pas à faire condamner les délinquants qu’elle arrête. De l’autre, une bande de justiciers qui décide d’agir par elle-même en s’inspirant des méthodes du dernier exécuteur anglais, Albert Pierrepoint, qui officia dans plus de 450 pendaisons. Et c’est par la corde que ces citoyens- vengeurs ont décidé de punir aujourd’hui violeurs, conducteurs ivres et autres voyous qui réussissent à échapper au système judiciaire. Ils diffusent sur le web les vidéos de ces lynchages sans précédent. La conscience de l’enquêteur Max Wolfe le tourmente. La justice est-elle vraiment là où on le croit ? Et comment concilier ce monde de violence avec la tendresse infinie qu’il voue à sa fille, Scout, qu’il continue d’élever seul ? La série d’enquêtes de Max Wolfe, dont font partie Des garçons bien élevés et Les anges sans visage, a été traduite dans près de vingt pays. Ancien journaliste de punk rock, Tony Parsons a connu un immense succès mondial avec son roman Un homme et son fils, vendu à plus de deux millions d’exemplaires. Il se consacre aujourd’hui à l’écriture de romans policiers. (Source : La Martinière – Pages : 352 – ISBN : 9782732484570 – Prix : 21,00 €) |
L’AVIS DE CATHIE L.
Le club des pendus, The Hanging club en version originale parue en 2016, traduit par Anne Renon, a été publié par les éditions de La Martinière en 2017. Le roman est écrit à la première personne dans un style assez vif, sans lourdeurs, très agréable à lire. L’intrigue est habilement construite autour de la question morale mettant face à face les notions de justice et d’injustice. Le roman pose cette question cruciale : que faire face aux carences de la Justice ? Quelle réponse apporter à la frustration de voir des criminels passer à travers les mailles de la justice pour des questions de procédures ? Comment expliquer l’impuissance du système judiciaire à juguler et à empêcher des actes aussi barbares commis sur des mineures et des enfants, comment compenser ces vies détruites, comment apaiser la douleur des parents ? « Tout crime est haineux. Tu sais ce que le gang a infligé à ces pauvres filles? Il les a marquées au fer rouge, Max. Comment imaginer que des adultes puissent faire subir une chose pareille à des enfants? Certains méritent qu’on les haïsse, conclut-elle en secouant la tête. » (Page 35).
Dans une société en pleine mutation, quelle réponse apporter face au « politiquement correct » qui donne l’impression d’une justice à deux vitesses : « … la Grande-Bretagne moderne, multiculturelle, très propre, où les Blacks, les Pakis et les Irakiens ont tous droit à leur part du gâteau. Sinon on se fait accuser de violer les droits de l’homme. » (Page 76). Que répondre quand la justice est confondue avec le racisme? Quand juger un homme pour viols sur mineures devient une question morale sous prétexte qu’il est d’origine musulmane ou autre? Le roman ne propose pas de réponse mais invite simplement les lecteurs à y réfléchir,ce qui est déjà beaucoup.
Le club des pendus aborde également la question du handicap physique, comment il est perçu par les autres, en donnant une approche différente, comme le dit Tara, la jeune policière spécialisée dans l’analyse du langage, à propos du langage des signes :
« Tous les sourds ne l’apprennent pas, dit-elle patiemment. C’est un choix assez personnel. Pour ma part, je sais parler et lire sur les lèvres. Je ne me considère pas comme sourde. En fait, je ne me définis par mon handicap. » (Page 136).
Question éthique posée par le roman : la loi est aveugle, elle est édictée pour tous, sans distinction, ni considérations de justice. Qui donne toute puissance au club de vengeurs, peu importe que ceux qu’ils exécutent soient les pires criminels ? Ils ne représentent pas la loi et n’ont donc aucun pouvoir de se substituer aux juges et aux jurés. Pourtant, la question est complexe. Comme l’explique Max, il fait son boulot sans avoir à se poser de questions même si parfois c’est difficile :
« Je suis allé à Old Bailey. Des gamins ont tué un homme à coups de pied. Il s’appelait Steve Goddard, quarante ans. Ils s’en sont tirés avec une peine ridicule et j’en étais malade. J’ai failli me battre avec, en pleine salle d’audience. Ils n’arrêtaient pas de sourire, je voulais les anéantir, les punir parce que la Cour n’avait pas su le faire correctement. » (Page 92).
L’intrigue
Londres. Juillet. La canicule étouffe la capitale britannique sous ses feux vengeurs. L’équipe de la surintendante principale Swire visionne l’exécution de Mahmud Irani, ancien membre du gang des violeurs de Hackney. La video postée sur le net montre en effet les derniers instants du violeur reconverti en chauffeur de taxi puis son agonie, pendu par une corde accrochée à un tuyau du plafond.
Le lendemain, son cadavre est retrouvé en plein milieu de Hyde Park. En l’absence d’un lieu du crime et de témoins, commence alors une enquête de routine, longue et fastidieuse : « Appliquons la procédure « RIE » à toutes les personnes qui avaient des raisons de haïr la victime, commençai-je. Remonter la piste, Interroger les victimes et Éliminer de la liste des suspects. » (Page 48). Car tous les experts mis sur le coup, notamment l’inspecteur Max Wolfe, ont beau s’abîmer les yeux à force de visionner la video, aucun indice ne permet d’identifier les auteurs du crime, encore moins le lieu.
Quelques jours plus tard, une deuxième exécution : « -On a une deuxième pendaison, dit-elle la voix chargée d’adrénaline. Regarde sur Internet. -Je serai au bureau dans un quart d’heure, je la verrai à mon retour. -Max, regarde-la maintenant, dit-elle en reprenant sa respiration. Cette fois-ci, c’est en direct. » (Page 59). Un assassinat par pendaison ? Mais qui de nos jours peut bien vouloir exécuter quelqu’un par pendaison ?
S’agit-il de vengeances personnelles ou de punition collective à l’encontre de criminels parvenus à se glisser entre les mailles parfois bien lâches du filet judiciaire ? Ces vengeurs masqués à l’effigie d’Albert Pierrepoint, le bourreau le plus célèbre d’Angleterre au milieu du 20 ème siècle avec plus de 435 exécutions à son actif, sont-ils des héros ou de vulgaires serial killers ? Afin de répondre à cette complexe question morale, Max Wolfe va devoir s’immerger dans les entrailles de la cité londonienne encore imprégnée d’un lourd passé qu’elle s’efforce en vain d’oublier.
L’enquête: le lecteur a la chance de suivre l’enquête de l’intérieur, assistant aux séances de briefing, aux investigations, aux ressources mobilisées pour trouver les auteurs des meurtres, notamment la séance avec le spécialiste dans le but de dresser un portrait psychologique des tueurs ou les explications de Tara concernant la biométrie vocale. J’ai particulièrement apprécié les discussions avec l’historien spécialiste du vieux Londres Adrian Hitchens afin de localiser l’endroit où les exécutions ont lieu.
Une des richesses de ce roman sont les détails concernant les procédures d’enquête, notamment dans cet extrait quand Wolfe et Whitestone arrivent sur le lieu où le premier cadavre a été découvert, ajoutant une touche de réalisme appréciable :
« Avec nos gants bleus en nitrile, nos masques blancs et nos chaussures recouvertes de sachets plastique, nous marchions sur des plaques de la médecine légale invisibles à l’œil nu. Ces plaques, transparentes, légères, Whitestone et moi les posions sur l’herbe devant chacun de nos pas avec mille précautions. Un chemin non contaminant se dessinait jusqu’au cadavre. » (Page 36).
Les personnages
- DCI Pat Whitestone : petite, blonde, des lunettes, ni jeune, ni vieille; l’enquêtrice la plus expérimentée de toute la ville.
- DC Edie Wren : inspectrice en chef.
- DC Max Wolfe : narrateur ; vit seul avec sa fille depuis sa séparation ; a travaillé pour la section anti-terroriste de la MET avant de travailler au service des homicides.
- TDC Billy Greene : élève-inspecteur en chef.
- Mahmud Irani : première victime ; chauffeur de taxi ; avait été condamné pour viols sur mineures.
- Colin Cho : jeune homme d’origine chinoise ; travaille dans l’unité de cybercrime.
- Scout Wolfe : fille de Max, âgée de cinq ans.
- Jakson Rose : ami d’enfance de Max ; ancien cuistot dans l’armée ; peau sombre, incisives légèrement écartées, allure un peu désinvolte, charme ravageur ; célibataire sans enfants.
- Mme Murphy : femme de ménage de Max, s’occupe de Scout en son absence.
- Barry Wilder : crâne rasé, tatouages à moitié effacés sur des bras très musclés ; la quarantaine ; père de Sofi, l’une des victimes de Mahmud Irani.
- Jean Wilder : blonde, assez forte, très maquillée ; fume cigarettes sur cigarettes ; mère de Sofi, épouse de Barry Wilder.
- John Caine : sergent de police, gardien du Black Museum.
- Swire : surintendante principale.
- Tara Jones : visage allongé, peau claire, longs cheveux noirs, très belle ; grande et mince, tout en jambes ; une des meilleurs analystes du langage ; sourde.
- Joe Stephen : psychologue judiciaire ; barbu, crâne rasé, tête incroyablement ovale ; âge moyen ; environ trente ans.
- Adrian Hitchens : professeur d’histoire au King’s College, expert auprès de la MET ; tête en forme d’oeuf ; toujours habillé d’un costume en velours, quelque soit le temps ; ventripotent, mauvaise condition physique malgré son jeune âge.
- Paul Warboys : l’Al Capone de Londres, gangster qui avait fait régner sa loi dans les années 60-70 ; favoris soigneusement taillés sur les tempes, crâne rasé de près ; élégamment habillé ; grand-père du petit garçon tué par un chauffard.
- Elsa Olsen : médecin légiste.
- Albert Pierrepoint : célèbre bourreau anglais qui a officié au 20 ème siècle ; considéré par les Anglais comme un héros pour avoir exécuté plus de 200 criminels nazis ; perfectionniste, très fier de son travail.
Les lieux
Londres est certainement le personnage secondaire le plus important du roman. Que ce soit les lieux d’investigation ou les scènes de crime, la ville occupe une place prépondérante et bénéficie de nombreuses précisions concernant son histoire mais aussi son évolution géographique, donnant au récit une dimension plus profonde, plus attractive en montrant les multiples visages de la capitale anglaise. Son cœur palpitant :
« Hyde Park s’étirait à perte de vue. Les Londoniens se plaignaient sans arrêt d’être entassés les uns sur les autres mais à l’époque, Henry VIII venait y chasser le sanglier. Aujourd’hui encore, Londres conserve de nombreux coins de verdure. » (Page 35)…
« Edie contempla le grand monolithe en marbre blanc de Marble Arch -resplendissant comme s’il venait d’être taillé-, Oxford Street -symbole du début du West End -, les grands hôtels qui longeaient Park Lane, puis arrêta son regard sur Hyde Park, une oasis en plein cœur de la cité. » (Page 83).
Ses contrastes : « Nous étions à Islington, mais pas dans le quartier des cafés branchés et des studios à un million de livres. L’autre Islington, celui des HLM à perte de vue. » (Page 48)… « Plus que tout autre quartier de la ville, Smithfield ne dormait jamais. A la halle aux viandes, on s’activait toute la nuit. Dans les boîtes de nuit de Chaterhouse Street, on dansait jusqu’à l’aube. Les pubs étaient autorisés à vendre des pintes aux clubbers et aux porteurs de viande dès les premières lueurs du jour. » (Page 94).
Mon avis
Le club des pendus est un roman dense, non par son nombre de pages, mais par sa profondeur, n’hésitant pas à aborder de plein fouet la question très complexe de la justice. Dès les premières pages, Tony Parsons suscite chez le lecteur un sentiment de révolte face aux déficiences du système judiciaire aux jugements parfois injustes, comme le montre le procès des jeunes gens qui ont tué Steve Goddard à coups de pied, le mettant en condition pour la suite…
L’envers de la médaille : ceux qui restent, dont les vies sont détruites, qui ne trouveront jamais la paix, même pas l’apaisement de voir punis les criminels qui ont fait voler leur vie en éclats; la femme et les enfants de Goddard, la mère du petit Daniel renversé par un chauffard, qui « ne s’est jamais remise de la mort de son fils… Même plus capable de sortir un chien deux fois par jour. De se lever de son lit pour lui donner à manger, ni pour se laver ou emmener sa fille à l’école. Elle ne voit plus aucune raison de faire tout ça. » (Page 77).
La tension dramatique monte crescendo au fur et à mesure des exécutions, désormais filmées en direct. Le suspense est presque palpable. Les personnages sont ballottés par cette histoire qui ne peut laisser personne indifférent. L’intrigue est ficelée de main de maître. Le lecteur est pris dès les premières pages et n’en sortira certainement pas indemne, confronté à sa propre conscience, devant répondre à cette question cruciale, comme Max : et si c’était votre propre fille, âgée d’à peine onze ans, qui s’était retrouvée dans cette salle avec ces hommes, ces violeurs brutaux et insatiables ? Et si c’était votre propre petit-fils qui aurait perdu la vie à cause d’un chauffard inconscient? Comment auriez-vous réagi, inspecteur ? Qu’auriez-vous fait ?
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