Présentation Éditeur
Un beau jour, le paisible village de Pouilly-sur-Meuse voit arriver le jour de la Saint-Jean un homme à l’allure étrange portant des gants rouges. Ses yeux d’un vert sale, son peu de bagage et son argent attirent immédiatement la suspicion des rudes paysans du lieu. D’autant que Kreul, un allemand, compte bien s’installer ici alors qu’il n’y connait personne. Rapidement les conversations se focalisent sur cet homme qui veut même acheter une maison. Le maire, Anatole Leboeuf, est rapidement alerté de cette présence. Anatole vit avec sa belle-mère Léontine , un peu rebouteuse, un peu guérisseuse, et sa fille Yvonne, 30 ans qui ne trouve pas mari. Rapidement, Léontine est persuadée que Kreul est un sorcier qui fraye avec le diable et qu’il va s’en prendre à Yvonne qu’il faut donc marier de toute urgence avant qu’il ne s’en empare. Anatole est peu sensible à ses arguments mais voit malgré tout d’un mauvais œil la présence de Kreul. Il se passe des choses étranges, des objets disparaissent dans les maisons, et des morts étranges s’enchainent …
Origine | |
Éditions | De Borée |
Date | 14 février 2019 |
Pages | 238 |
ISBN | 9782812924552 |
Prix | 19,90 € |
L'avis de Cathie L.
Romancier, historien et folkloriste, Roger Maudhuy vit dans un hameau des Vosges. Fin connaisseur des croyances et des superstitions populaires qui, il n’y a pas si longtemps, faisaient partie du quotidien de nos aïeux, il est l’auteur d’une soixantaine d’ouvrages.
Le roman
Le sorcier de la Maucroix a été publiée par les éditions De Borée en 2019. C’est le premier ouvrage de Roger Maudhuy que je lis et je découvre une plume riche et ronde, un peu précieuse, dans le bon sens du terme :
« Midi sonnait, dans une atmosphère fébrile et bon enfant, avec un soleil d’or qui tombait en large pluie sur les champs de damiers chamarrés, quand apparut la carriole vétuste du marchand de peaux de lapin, que la même haridelle tirait depuis des années. » (Page 14)…..
« D’une narine frémissante, comme le ferait un animal, il huma l’odeur chaude du pain frais et celle du bouillon qui exhalait une grasse vapeur. Sur un guéridon, le cidre jaune luisait, joyeux, clair et doré, dans un pichet en verre blanc. » (Page 25).
Le ton est léger, teinté d’un humour bon enfant. Les savoureux dialogues à la Pagnol se dégustent comme une friandise longtemps attendue.
Humour : « -Il y a des gens qui ont de mauvais yeux. -Ou le mauvais œil! Et ses dents vertes, comme celles du diable? -Tu as vu les dents du diable, toi ? » (Page 26)…
« -On ne peut donc pas l’expulser. Il a des papiers, il a de l’argent, et même si c’est un Allemand, même si Léontine l’accuse d’être un sorcier et de faire mourir Hyacinthe, y a rien de concret à lui reprocher. Un ange passa. Et même toute une procession. » (Page 89)….
« Le père portait un costume de velours qui le matin avait dû être bien étonné d’être soigneusement brossé. Le fils avait une sorte de costume verdâtre, dans lequel il avait l’air d’un haricot pas très frais. » (Page 95).
L’intrigue
Fin 19e siècle. Pouilly-sur-Meuse est un petit village où la vie s’écoule au gré des saisons, des travaux des champs et des cancans des ménagères. Jusqu’au jour où arrive le « sorcier » qui semble vouloir, au grand dam des administrés d’Anatole, s’installer dans la région. La guerre contre les Prussiens est terminée depuis un certain temps mais les cicatrices sont encore sensibles. :
« -Tu dois l’empêcher de s’installer ici! reprit Léontine. -Et comment ? Il a des papiers, il a de l’argent…Ce n’est pas un vagabond. -C’est un Allemand! Tu es le maire! -Et alors ? Ça ne suffit pas… -Fais un rapport à la préfecture… -Pour leur dire quoi ? qu’un Allemand veut acheter des ruines et que ma belle-mère croit que c’est un sorcier parce qu’il a des gants rouges ? » (Pages 49-50)
Mais voilà que Hyacinthe, qui a refusé de lui vendre un ancien ermitage qui appartient à sa famille et dont il ne fait rien, tombe subitement malade. Le « sorcier » lui aurait-il jeté un sort ? Dès lors, la tranquillité du village n’est plus qu’un mirage évanoui comme la rosée du matin aux premiers rayons du soleil levant. D’autant qu’il semble s’intéresser d’un peu trop près à Yvonne, toujours pas mariée, ce qui cause bien du souci à son père
Le seul moyen de protéger la jeune femme des sortilèges du « sorcier » serait de la marier. Mais à qui ? Les prétendants acceptables ne sont pas légion ; on peut même dire qu’ils se comptent sur les doigts non des deux mains, mais d’une seule. Le problème est qu’ils sont soit trop vieux, soit trop jeunes, soit déjà promis. Ne reste que « Sabot », le dernier fils du vieux Tonka, un gringalet à la poitrine creuse, issu d’une famille de manants. Cruel dilemme pour Anatole qui, bientôt, aura bien d’autres chats à fouetter.
Les lieux
Toute l’action du roman se déroule dans le petit village de Pouilly-sur-Meuse, situé aux confins des Ardennes et de la Meuse. C’est « un village typiquement lorrain, un village-rue, avec ses usoirs plus ou moins encombrés de fumier, de bois pour l’hiver, de fagots, de vieilles roues, d’outils et de charrettes qui levaient les bras au ciel. Son coeur était la grand-rue, deux rangs de maisons et de granges collées les unes aux autres, avec à chaque bout une sorte d’excroissance abritée sous un symbole d’autorité. D’un côté la mairie, avec ses deux colonnes qui tentaient de lui donner un air grec, et autour quelques commerces et une forge ouverte sur une placette…De l’autre, sur une butte de terre qui la rendait plus imposante, l’église, lourde, massive, sans style, flanquée d’un presbytère séparé de la rue par une jardin clos de murs moussus. » (Pages 11-12). Le décor est planté.
En conclusion
Le + : Roger Maudhuy a su recréé une délicieuse atmosphère villageoise, avec ses personnalités identifiés non par leur famille mais par leur fonction dans le village (le cafetier, le boulanger, le sacristain, etc…), ses superstitions et ses traditions populaires. Tout un monde aujourd’hui révolu mais dans lequel, le temps d’un roman, nous nous plongeons avec beaucoup de plaisir.
Le sorcier de la Maucroix, tant par son ambiance surannée, ses personnages drôles et attachants, ses décors et sa mise en scène soignés, ses dialogues et son humour, propose un récit très agréable qui se lit en une après-midi. Roger Maudhuy vous invite à un voyage dans le temps à la découverte d’un monde qui oscille entre traditions et superstitions réconfortantes parce qu’issues de la nuit des temps, et velléités d’un modernisme suspect. Chacun fait comme il peut pour se raccrocher à des valeurs qui le sécurisent et lui promettent, après le bouleversement de la guerre, un monde solide dans lequel il pourra bâtir et transmettre.
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