INFOS ÉDITEUR
Parution aux éditions Bragelonne en aout 2016 Parution aux éditions Milady en mars 2017 Traduit par Marie PLOUX Un matin, des coups retentissent à la porte. Encore adolescente, Grace prend peur. Cette enfant sauvage vient de subir une greffe du coeur et refuse d’ouvrir à l’inconnue qui crie son nom. Quelques instants plus tard, elle assiste au meurtre de cette femme dans la neige. Il s’agit de sa mère, qu’elle n’a pas vue depuis onze ans. Enceinte jusqu’au cou, l’agent Macy Greeley est chargée d’enquêter sur cet assassinat et sur le passé de Grace. Elle revient sur les lieux d’une ancienne affaire, la disparition d’un groupe de jeunes filles à la frontière canadienne, des années plus tôt… (Source : Bragelonne – Pages : 384 – ISBN : 9782811209827 – Prix : 7,60 €) |
L’AVIS DE CATHIE L.
Poussières d’os, intitulé Bone Dust White en version originale parue en 2014, a été publié en 2016 par les éditions Bragelonne. Il est le premier titre de la série d’enquêtes menées par l’inspectrice Macy Greeley. Depuis, trois autres titres ont été publiés en Angleterre dont le 2e sortira en France en janvier 2018.
Le roman est découpé en 28 chapitres qui s’enchaînent, racontant les événements de l’histoire chaque fois selon le point de vue d’un des trois protagonistes principaux: Macy, Grace et Jared que l’on voit pénétrer sur la scène, comme dans une pièce de théâtre, jouer sa représentation tout en éclairant l’intrigue de son point de vue personnel, et quitter le plateau jusqu’à sa prochaine scène. Du coup, le lecteur assiste au déroulement des événements à travers trois regards différents, ce qui crée la richesse du roman, chaque chapitre constituant une pièce du puzzle final renfermant les pensées, les souvenirs, les émotions et les ressentis des personnages principaux en un kaléidoscope aux mille couleurs.
Le style est net et minutieux comme des incisions faites au scalpel ; les descriptions sont extrêmement précises, comme pour un scénario de film, phénomène amplifié par l’utilisation du présent :
« Quelqu’un arrive avec une pince coupante à long manche, tout le monde se recule pour lui faire de la place. La porte s’ouvre sans aucun problème, au-delà de l’espace encore éclairé par les cloisons de bois, c’est le règne de l’obscurité. Des grains de poussière s’élèvent dans les airs et viennent se prendre dans les rayons des torches. » (Page 196).
Titre
Je me suis demandé, tout au long du roman, pourquoi l’avoir intitulé Poussières d’os, alors qu’à aucun moment l’auteur n’y faisait allusion; et voilà, l’explication apparaît page 346, pratiquement à la fin : « Dans cet espace vide, les chaussures de Grace font crisser la mince couche de neige et s’enfoncent de quelques centimètres. Le paysage silencieux l’enveloppe comme dans un rêve, son souffle s’échappe en un nuage de buée couleur de poussières d’os. »
L’intrigue
Grace Adams, jeune fille fragile qui relève d’une transplantation du cœur, se tient devant sa fenêtre. Elle est témoin de l’agression au couteau d’une femme par un homme, sur le sentier qui passe juste derrière la maison où elle vit avec sa tante. Ce qui l’intrigue le plus est que la femme, gravement blessée, l’a appelée par son prénom! En fait, il s’agit de sa mère qu’elle n’a pas revue depuis onze ans.
L’assassinat de Leanne a-t-il un rapport avec une affaire qui a défrayé la chronique de la région juste avant sa disparition? L’inspectrice Macy Greeley, enceinte jusqu’au cou, se rend à Collier pour reprendre l’enquête avec la collaboration du nouveau shérif, Warren Mayfield. Malheureusement pour eux, la neige a déjà recouvert la scène du crime, compliquant le travail de l’équipe scientifique.
Bientôt, les questions abondent : Pour qui était le bouquet de roses retrouvé dans la poubelle non loin de là ? La solution réside-t-elle dans le passé de Grace ? Et pourquoi la jeune fille a-t-elle téléphoné à David Freeman, son ancien professeur, quelques jours avant le meurtre ?
Et surtout, pourquoi, le soir même de l’agression, le tueur a-t-il pénétré chez Elizabeth, la tante de Grace, et a fouillé de fond en comble le bureau d’Arnold, son mari décédé l’hiver précédent, ainsi que la chambre de Grace, en laissant un message au plafond écrit au marqueur noir ? Que cherchait-il ? Est-ce en rapport avec l’affaire des quatre filles de l’Europe de l’Est et le départ précipité de Leanne onze ans plus tôt, abandonnant la petite Grace âgée seulement de sept ans dans leur caravane ? Quel lien avec l’incendie du bungalow où Brady Monroe abritait son labo de méthamphétamine?
Plus Macy avance dans son enquête, plus elle pense que ses ramifications remontent dans un passé lointain et que Grace ne dit pas tout ce qu’elle sait des anciennes activités de son oncle, propriétaire d’une entreprise de transport florissante.
Les personnages
A part les trois personnages principaux, Poussières d’os propose une distribution de nombreux personnages secondaires, les uns faisant une courte apparition, comme Sofia ou Ellen, la mère de Macy, d’autres jouant une partition un peu plus étoffée, comme Hayley ou Pamela Larson, chacun ayant son importance.
- Grace Adams : visage pâle et lisse au regard hagard ; cheveux noirs et raides tombant sur les épaules ; silhouette mince et fragile ; problèmes de santé depuis l’âge de deux ans et a passé beaucoup de temps à l’hôpital ; n’a pas d’amis de son âge, préfère la compagnie des adultes. A subi une transplantation cardiaque 1 mois avant les faits. Jeune fille particulièrement courageuse et déterminée, n’hésitant pas à affronter les dangers, malgré sa fragilité.
- Elisabeth Lamm : tante de Grace ; yeux pâles couleur de bleuet ; a adopté Grace après le départ de Leanne, sa sœur ; très protectrice avec sa nièce.
- Arnold Lamm : mari d’Elisabeth ; oncle de Grace ; décédé l’hiver précédent.
- Carson : ambulancier, équipier de Jared ; un peu plus grand et plus jeune que lui ; cheveu blond coupé très court, menton pointu et long nez.
- Jared Petersen : ambulancier, équipier de Carson ; âgé de 32 ans ; ancien petit ami de Macy ; en couple avec Lexxie mais entretient une liaison avec Hayley, son amour de jeunesse. Jeune homme sympathique au grand cœur mais un peu perdu.
- Macy Greeley : inspectrice de la police du Montana ; enceinte de huit mois ; masse de cheveux écarlates, visage anguleux, sourcils finement épilés ; est sortie avec Jared pendant trois ans. Caractère bien trempé qui l’aide à tracer son chemin et à surmonter les embûches semées sur sa route ; ne se laisse pas marcher sur les pieds, ce qui est un atout pour exercer son métier dans la police sans trop y laisser de plumes ; capable de compassion et de générosité, notamment avec Sofia.
- Ray Davidson : chef de la police du Montana, patron de Macy ; marié père de trois enfants ; cheveux noirs, 1m95 ; s’est remis avec sa femme 7 mois avant le début de l’histoire.
- Leanne Adams : mère de Grace ; sœur d’Elisabeth.
- Ellen : mère de Macy ; veuve.
- Warren Mayfield : nouveau shérif de Collier, apporte un soutien sans faille à Macy.
- Lexxie : infirmière ; petite amie de Jared depuis un an.
- Trina : 32 ans ; gère seule la boutique, le terrain de pêche et la station-service.
- Sissy : fille de Trina ; enceinte.
- Dwayne : fiancé de Sissy.
- Sonya Gibson : médecin de Grace.
- David Freeman : ancien professeur de Grace pour lequel, à l’âge de 14 ans, elle a éprouvé une « sorte de béguin ».
- Hayley : ex-petite amie de Jared avec lequel elle entretient une liaison compliquée ; mariée, mère de famille.
- Brian Camberwell : mari de Hayley ; routier; costaud, homme violent et très jaloux.
- Pamela Larson : mère de Hayley.
- Toby Larson : mari de Pamela, père de Hayley ; silhouette longiligne et mince ; seul homme avec lequel Leanne a eu une relation sérieuse ; devait s’enfuir avec elle onze ans plus tôt.
- Sam : vieil homme ; factotum de l’hôpital.
- Brady Monroe : maigre comme un clou, barbe poivre et sel en bataille, dents pourries, gros kyste sur la langue ; habite dans une caravane avec sa femme et ses filles ; routier.
- Dustin Ash: ami de la famille de Grace, amoureux de la jeune fille.
Les lieux
Dans certains thrillers, les lieux revêtent une importance toute particulière : ici, afin que le lecteur s’imprègne au mieux de la situation particulière de ce trou perdu, qu’il comprenne les implications que peut avoir l’endroit où l’on vit sur les gens, (sans que cela constitue une excuse, bien entendu) Karin Salvalaggio, qui y a vécu quelques années, trace un portrait très réaliste de la ville et de ses environs.
« Seules trois villes se trouvent aux confins de la Flathead Valley. Collier est la plus septentrionale, Wilmington Creek occupe le centre ouest, et Walleye Junction est au sud, là où la vallée s’élargit. A l’est les sommets lointains de la Whitefish range remontent jusqu’à la frontière canadienne. » (Page 32)
Dès le début du roman, le décor dans lequel évoluent les personnages ne laisse aucune place à un semblant d’illusion de bonheur; il ne fait certes pas bon vivre à Collier :
« Le quartier du haut de la ville où elle vit avec sa tante Elizabeth est complètement désert, les promoteurs ont fait faillite avant que la plupart des maisons soient terminées. Les fondations en béton disparaissent sous les herbes rampantes et les charpentes nues ressemblent à des cages thoraciques béantes. Chaque hiver, des toits s’effondrent sous les couches de neige et des incendiaires y mettent le feu. » (Page 12)
Tout à fait charmant et accueillant, ne trouvez-vous pas ?
Une impression d’isolement décadent, de misère larvée :
« La Flathead River ceinture la ville de Collier avec la mollesse d’un ventre flasque. Les fortes chutes de neige dans les montagnes font bouillonner ses eaux d’un gris laiteux. Macy passe un pont large et massif avant de traverser la zone industrielle. Les usines et les scieries ne sont plus que des carcasses décortiquées. » (Page 33)
« Autrefois, la Flathead River charriait les rondins coupés dans les montagnes en amont. Son père lui avait parlé des îlots de troncs qui parfois s’amalgamaient si serrés qu’on pouvait marcher sur la rivière en crue. Aujourd’hui, son lit est vide, le flot glacé et laiteux ne charrie plus que des déchets épars. » (Page 53)
Et d’un sombre désespoir suintant par tous les pores de ce décor digne des meilleurs polars noirs américains :
« Le relais routier est un peu plus bas sur la route, il n’y a plus d’arbres, juste des friches. Tout est balayé de poussière et noirci par les gaz d’échappement, les bâtiments bas aux porches profonds et sombres dégagent une certaine désespérance. Des poids lourds sont alignés sur le gravier, telles des pierres tombales, un troupeau de Harley Davidson est garé en paquet devant le diner. » (Page 279).
L’ambiance
A travers des scènes de la vie quotidienne des habitants de Collier, Karin Salvalaggio nous plonge dans un univers connu, banal, apparemment inoffensif, qui pourrait être celui de notre village, de notre quartier ; par exemple, la petite épicerie :
« Il s’arrête à la station-service d’Olsen’s Landing et se gare devant une petite épicerie tapie sur un champ de goudron labouré(…)La façade de la boutique est bardée de pubs vantant leurs hot-dogs, munitions, bocaux de saindoux, etc… » (Page 54).
Pourtant, cet univers familier a été le théâtre d’un crime violent, réalité qui heurte la communauté de plein fouet, la déstabilise, et ravive d’anciennes querelles et d’anciennes zones d’ombre. C’est alors que resurgit l’affaire irrésolue des quatre filles de l’Europe de l’Est ainsi que la disparition de Leanne, inexpliquée à ce jour.
Et lorsque trois petites filles disparaissent, l’hystérie est à son comble ; l’atmosphère à Collier devient irrespirable :
« Les talk-shows reçoivent des appels de tous les coins du Montana. Des mouvements de protestation, nés sur Internet, ont menacé de se rendre à Collier pour manifester sur Town Square (…) Si la justice est incapable de régler ce problème, nous le ferons à sa place, dit un auditeur. Si on laisse ça aux tribunaux, ce type s’en sortira grâce à des procédures, dit un autre. Une mère sanglote au téléphone : On a quand même le droit de protéger ses petits, non ? » (Page 252).
Le fait que le « commissariat de Collier soit dans le collimateur, suite à un scandale impliquant le shérif sortant », n’arrange certes pas les choses!
Mon avis
Voilà un thriller comme je les aime : des personnages bien campés, aux prises avec un quotidien pas toujours rose, avec des préoccupations et des soucis que l’on peut comprendre, auxquels on peu s’identifier ; des lieux décrits avec précision et réalisme, campant un décor qui participe à l’élaboration de l’histoire ; une intrigue complexe mais néanmoins bien ficelée, avec des ramifications menant loin dans le passé, s’égarant parfois dans des impasses, menant le lecteur au bout d’un voyage sombre et périlleux; une tension dramatique qui monte en intensité au fur et à mesure du déroulement du récit ; un suspense poignant, qui prend le lecteur à la gorge dès les toutes premières lignes. Un excellent roman. Karin Salvalaggio, une romancière très talentueuse vient renouveler le paysage du genre…
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