Barbara ABEL est née en 1969. Cette jeune auteur a déjà à son palmarès un prix Cognac en 2002 et un titre sélectionné pour le PRA en 2003. Passionnée de théâtre et de littérature, elle se consacre aujourd’hui exclusivement à l’écriture
Pouvez-vous me décrire en quelques mots votre parcours ?
Au départ, je me destinais à être comédienne. J’ai d’ailleurs suivi des cours de théâtre ici, à Bruxelles, chez Bernard Marbaix, fabuleux comédien belge et un merveilleux professeur, puis à Paris, à l’école du Passage (Niels Arestrup) entre autre… Mais comme les castings ne se bousculaient pas au portillon, j’ai écrit un roman. Et puis j’ai gagné le Prix Cognac et tout s’est enchaîné très vite.
Comment vous est venue l’envie d’écrire ? A quelle période ?
Je crois que j’ai toujours écrit. Récemment, j’ai retrouvé un carnet de poésie que j’avais écrit à l’âge de 7 ans… C’est assez drôle et très touchant. Je crois en fait que ma véritable passion, c’est raconter des histoires, que ce soit à travers mon amour pour le théâtre ou celui de l’écriture. La seule différence, c’est que pour jouer au théâtre, on est dépendant du désir des autres. Ma toute première « oeuvre » est une pièce de théâtre écrite avec mon compagnon Gérard Goffaux qui s’intitule « L’esquimau qui jardinait », que nous avons montée et que j’ai interprêtée dans différentes salles de théâtre à Bruxelles.
Quel est votre ‘modus operandi’ d’écriture ? (Votre rythme de travail ? Connaissez-vous déjà la fin du livre au départ ou laissez vous évoluer vos personnages ? )
Ayant deux enfants dont un encore en bas âge (3 ans), je n’ai l’occasion d’écrire que lorsqu’ils sont à l’école… Un horaire de fonctionnaire en somme, entre 9h00 et 16h00. La plupart du temps, j’ignore totalement la fin de l’histoire. Je connais plus ou moins la direction que je veux donner à l’intrigue, mais j’ai besoin de ne pas trop en savoir pour avoir le plaisir de la découverte. Je crois que si je connaissais tous les paramètres de mon récit, je n’aurais plus envie de l’écrire. Tout comme le lecteur, j’ai besoin d’être surprise.
Il y a-t-il des personnages qui existent vraiment, dont vous vous êtes inspiré ?
Aucun de mes personnages n’existe à part entière, et heureusement! Mais je suppose que je m’inspire de certains traits de caractère de gens qui m’entourent, comme des miens d’ailleurs. Avant d’écrire, je trouvais étrange d’entendre un auteur parler de ses personnages comme s’ils existaient réellement. Aujourd’hui, force m’est de reconnaître qu’une fois ébauchés sur le papier, ils acquièrent une certaine autonomie. Je veux dire par là que lorsque le livre est achevé, les personnages ne sont jamais comme on les avait imaginé au début. Pareil pour l’intrigue d’ailleurs. Au cours de la rédaction d’un roman, il y a tout de même pas mal de chose qui m’échappent, et j’adore ça! L’important, c’est de toujours rester fidèle à une certaine logique, que ce soit celle des personnages ou de la trame de l’histoire. Après, toutes les libertés sont possibles. Reste ensuite à conserver ce qui fait avancer l’intrigue et à jeter ce qui la ralentit.
Le parcours a t-il été long et difficile entre l’écriture de votre premier livre et sa parution ?
Avant d’écrire « L’instinct maternel », j’avais écrit une brique illisible de 600 pages qui n’a jamais été publiée (mais qui m’a ensuite donné les bases de « La mort en écho »). Un peu découragée par cet échec, tout comme ceux de mes prétentions de comédienne – j’approchais de la trentaine et je n’étais nulle part dans ma vie professionnelle – j’ai du moins voulu réussir ma vie de femme : je suis donc tombée enceinte. Et c’est évidemment à ce moment-là que la chance de ma vie s’est présentée: deux ans auparavant j’avais écrit une nouvelle policière qui, par les chemins détournés du hasard, s’est retrouvée sur le bureau de Serge Brussolo, alors directeur de collection aux éditions du Masque. Il m’envoie un mail m’informant qu’il a lu mon texte, qu’il l’a trouvé très bien et que si j’avais un jour le projet d’écrire un roman, je n’hésite pas à le lui soumettre. J’étais alors enceinte de 4 mois, en plein déménagement (nous venions d’acheter un duplex en ruine dans lequel il fallait TOUT refaire) mais quand on reçoit un mail comme celui-là, on ne réfléchit pas (il ne faut d’ailleurs pas réfléchir sinon c’est foutu). J’ai aussitôt répondu que oui, bien sûr, j’avais des tonnes de projets (en vérité je n’en avais aucun hormis celui de couver mon oeuf et de préparer mon nid) et je lui ai écrit un résumé succint de « L’instinct maternel ». Il a trouvé l’idée intéressante, m’a demandé d’écrire 3 chapitres. Me voilà donc dans un appartement en travaux, au milieu des caisses et des ouvriers, avec mon ventre qui s’arrondissait, tentant d’écrire mon premier roman… Chaque mois, je lui envoyais mes chapitres (l’histoire d’une femme enceinte séquestrée par une femme stérile qui veut s’approprier son enfant, la jeune maman attendant donc la délivrance au propre comme au figuré, une sorte de duel entre la vie (la femme enceinte) et la mort (la femme stérile)…). Bref. Une fois le manuscrit remis, Serge Brussolo a décidé de le présenter pour le Prix Cognac. Et je l’ai eu ! En quelques mois, j’étais devenue maman et écrivain (et propriétaire d’un duplex).
Y-a-t-il une différence entre l’écriture de vos romans de suspense, ceux de littérature blanche et votre travail de scénariste de BD ?
L’écriture d’un roman, que ce soit un thriller ou une comédie, fait appel au même processus. Du moins, je les approche de la même manière. Peut-être un thriller demande-t-il plus de rigueur, et encore… Pour le scénario de BD, c’est différent, beaucoup plus léger comme boulot. Tout simplement parce qu’une grosse partie des informations et de l’histoire se racontent à travers les dessins. Par contre, il m’a fallut acquérir un sens de l’efficacité et de la concision que je n’avais pas naturellement : hors de question d’écrire des pavés de texte!
Vos romans policiers (L’instinct Maternel, Duelle, Un bel âge pour mourir, La mort en écho, Illustre inconnu) ont tous un commun l’enfant, y-a-t-il une raison particulière à cela ?
Je dirais plutôt qu’ils ont tous en commun l’univers familial. C’est un microcosme qui excite mon imagination parce que, dans une famille, tous les sentiments sont exacerbés. Et puis, tout le monde a une histoire avec sa famille, qu’elle soit présente ou absente, ce qui me permet de pouvoir faire fonctionner très vite la catharsys.
Quels sont les points communs entre vous et Zoé Letellier, l’héroïne de votre dernier roman (jeune écrivaine) intitulé La Brûlure du chocolat (Fleuve Noir) ?
Pas grand chose en fait, hormis le fait que nous sommes toutes les deux écrivain. Le point de départ de ce roman m’est venue de l’idée suivante : que se passerait-il si un auteur à succès, genre J.K Rowling, en pleine rédaction d’un méga succès, genre Harry Potter, devenait amnésique avant de livrer la fin de son oeuvre? Ensuite l’idée a évolué et s’est propagée à la vie privé de cette auteur : elle se marie 4 jours plus tard et ne reconnait plus son fiancé, son frère lui apprend qu’avant d’être amnésique, elle lui a confié avoir un amant mais sans lui révéler l’identité de cet amant, etc. On a tous un jardin secret qui serait englouti dans les profondeur de l’oubli si l’on était frappé d’amnésie. A partir de là, les ficelles d’une sorte de comédie-suspense ont tissé la trame de « La brûlure du chocolat ».
Avez-vous reçu des remarques surprenantes, marquantes de la part de lecteurs ?
Je me souviens avoir reçu il y a quelques années un long courrier d’un lecteur qui analysait en détail mes deux premiers bouquins, « L’instinct maternel » et « Un bel âge pour mourir » et arrivait à la conclusion que je devais certainement nourrir un grand intérêt pour la marine française, vu que dans « L’instinct maternel », mon héroïne s’appelait Jeanne et faisait, selon lui, référence à la Jeanne d’Arc, un croiseur porte hélicoptère français, et que dans « Un bel âge pour mourir », l’héroïne s’appelait France, faisant référence au France, le paquebot transatlantique… Ce courrier était vraiment surprenant!
Sinon, en général, ce sont souvent les gens qui aiment vos livres qui viennent vous voir en dédicace ou vous écrivent, et c’est toujours touchant et gratifiant… Evidemment, ceux qui ne vous aiment pas ne vont pas perdre leur temps à venir vous le dire.
Avez vous d’autres passions en dehors de l’écriture (Musique, peinture, cinéma…) A part votre métier, votre carrière d’écrivain, avez vous une autre facette cachée ?
Cachée ? Non. Je l’ai dit, j’ai une tendresse particulière pour le théâtre, je rêvais d’être comédienne lorsque j’étais plus jeune. J’ai suivi des cours, je suis même partie vivre deux ans à Paris dans l’espoir d’être parmi les élus… Ca ne s’est pas fait, mais je n’ai pas de regret, vu que professionnellement, je suis comblée par mes livres. A part ça, ici, en Belgique, je fais régulièrement des chroniques culturelles pour une émission quotidienne sur Arte Belgique, qui s’intitule « 50 degrés nord ». C’est très enrichissant, puisque ça me force à aller voir des expos, des pièces de théâtre, des films, ou lire des livres que je n’aurais pas nécessairement vu ou lu… J’adore!
Quels sont vos projets ?
J’ai entamé la rédaction de mon prochain roman et je reviens à mes premières amours : ce sera un thriller psychologique bien noir qui aborde l’enfer du voisinage, à ma sauce, donc avec rebondissements, coups de théâtre et, normalement, un fin édifiante. Mais n’en disons pas plus : suspense !
Quels sont vos coups de cœur littéraires ?
Il y en a beaucoup, mais si je devais faire un choix, totalement subjectif :
« Novecento, pianiste » d’Alessandro Baricco.
« La maison près du marais », d’Herbert Lieberman
« Le miraculeux destin d’Edgar Mint » de Brady Udall
Et puis j’ai dévoré les Millénium de Stieg Larsson, comme beaucoup…
Vous êtes membres de l’Ecole de Caen. Que représente cette association à vos yeux ?
L’école de Caen, c’est surtout quelques rencontres avec d’autres auteurs qui sont devenus de vrais amis : Jean-Luc Bizien, Ephémère, Maxime Chattam, Emmanuel Chaunu, Xavier Mauméjean, Raphaël Cardetti… Il y a quelques années, Gérard Goffaux et moi, nous nous sommes retrouvés au salon du livre de Caen, autour d’une fabuleuse table de fruits de mer avec tous nos joyeux compagnons, il y avait aussi Jean-Philippe Chabot, Mouloud Akkouch, et d’autres encore… L’école de Caen est née comme ça, en parlant, en riant, du désir d’allier nos différents talents, l’écrit et le dessin. Depuis, d’autres ont rejoint l’aventure et c’est ce que j’aime dans cette association : tout le monde est le bienvenu et ces rencontres sont très enrichissantes. Avec l’assurance à chaque fois de passer un week-end en bonne compagnie!
Avez-vous un site internet ou un blog où vos lecteurs peuvent laisser des messages ?
Non. Je devrais sans doute m’atteler à l’élaboration d’un site… Faut juste que je trouve le temps ! En attendant, je suis sur Facebook et je réponds à tous les messages !
Merci à Barbara Abel de nous avoir accordé cette interview.
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