Sébastien MOUSSE : Henri Duboc bonjour, tout d’abord merci d’accepter de répondre à mes questions. Comme je le mentionne dans la chronique, ton livre Dieu 2.0 – La papesse on line pourrait prêter à sourire, mais quand on se rend compte que tu es docteur et chercheur, d’un coup, on pourrait avoir peur… Tu penses que certaines choses que tu décris pourraient arriver, et si tu étais un peu comme un Jules Vernes des temps modernes…
Henri DUBOC : Bien sur, même si chaque trait d’imagination est un petit pari ! Pour ce qui les évolutions techniques, tout est possible et tout arrivera. Quand l’homme s’attaque à un problème il le résout systématiquement… Là où il n’y arrive pas, c’est avec les problèmes qu’il se pose à lui même. Ecologie, politique, spiritualité, là les paris sont plus risqués… sauf pour la Papesse, le mariage des prêtes et compagnie inventés dans Vatican 3… Là, je met ma main à couper que l’Eglise va sortir la tête de l’eau et prendre dans les 10 ans un sacré virage de modernité.
SM : Dans toutes les évolutions futuristes que tu énumères dans ton roman, il n’y a plus d’inhumation, de crémation. Il y a quelques temps, une étude a prouvé que les corps se décomposaient de moins en moins rapidement — soins de conservation retardant la thanatomorphose, thérapie, etc. — donc ce que l’on nomme la rotation des cimetières ne peut plus s’effectuer correctement, on est donc en droit de se poser la question, d’ici quelques générations quid de nos dépouilles ?
HD : C’est amusant que tu parles de ça, parce que je connais ces travaux, et ça m’a posé problème… C’est là que c’est génial de mélanger l’univers scientifique et l’imaginaire. Dans le labo où je fais de la recherche, on utilise un lyophilisateur. Ca vous déshydrate un échantillon en en gardant la forme, mais si vous appuyez… Plus rien que de la poudre ! Vu qu’on ne va pourra inhumer tout le monde, et vu que dans le monde créé en 2053, « la combustion » est interdite, et bien la « lyophilisation cadavérique » m’a semblé une solution pas trop mal.
SM : On trouve aussi au fil des pages, comme un retour à la foi, aux croyances, au recueillement au cimetière, à l’heure actuelle peu de monde aux pieds des tombes, si Memoriam n’existe pas encore, il y a déjà pas mal de sites de cimetières virtuels (lecimetière.net, tunousmanques.fr, alloleciel.fr et bien d’autres), où l’on peut avoir des sépultures virtuelles, des « pages hommages », peut-on en conclure que Memoriam n’est pas une utopie mais un produit d’avenir ?
HD : Oui et non. Memoriam, dans le roman, à une particularité géniale: c’est un cimetière connecté universel. Tout les morts de la planète y sont, et pas sur qu’on en prenne le chemin. C’est un Google ou un Facebook, et qui a gagné la guerre des sites de mémoire en jouant sur l’éthique électronique. Pour ce qui existe déjà, pour moi le plus aboutit est AlterRiva de Valery Guyot-Sionnest, qui propose un packaging complet impliquant mausolée numérique+inhumation+ célébration, le tout préparé en amont avec le « futur défunt ». Tout produit répond soit à un besoin existant, soit un besoin artificiellement créé, et pour moi nous sommes à l’entre deux. Parce que sur terre, il y à diverses « populations numériques » : des ultras, de simples utilisateurs, des invalides et des exclus. Besoin, gadget ou utopie, tout dépend à qui on s’adresse, je souhaite juste qu’on ne fasse pas des morts – ou de leur famille – de nouveaux consommateurs.
SM : Dieu 2.0 est une trilogie, les deux autres opus sont déjà tous deux écrits, prêts à être publié ?
HD : Tout à été écrit d’une traite, en 2012. Je suis dans les relectures des tomes 2 et 3, c’est amusant parce que j’ai fait à l’époque quelque paris technologiques, certains sont déjà dépassée ou inenvisageables et d’autres on est pile dedans…
SM : Il y a beaucoup de spiritualité dans ton livre, que cela soit au niveau de la religion, mais aussi dans les conversations entre Gabriel et ce cher hacker, la question est posée sur le quatrième de couverture : les croyances et les religions survivront-elles au XXIe siècle ? Ton avis ?
HD : Croire est un besoin naturel, inaliénable, et j’ajouterais important chez l’homme. Encore faut il des supports. La société occidentale apporte sécurité, confort, démocratie, droit, mais coté spiritualité, c’est un néant quasi total. Qui lit de nos jours ? Parmi ceux qui ont les moyens, combien se forcent à faire leur « devoir d’humain développé », en se cultivant, en se poussant à étudier, tout les jours ? Les chatons facebook, les commentaires en ligne et les selfies ne combleront jamais ce vide existentiel. Et c’est là que pour moi, la religion est encore un support spirituel intéressant et important: il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau bénite !
SM : Pour conclure, mes deux questions récurrentes, la première si l’on devait écouter une musique en lisant ton roman, laquelle serait-ce ?
HD : Plusieurs ! The sound of silence de Simon and Garfunkel. Des sonates de Beethoven, Fred Astaire et Cheek to Cheek. Batman Begins, la bande originale de Hans Zimmer et le terrifiant morceau Molossus, puis La leçon de Piano, «The Heart Asks Pleasure First».
SM : Et la seconde, si tu devais faire lire ton livre à une personne, réelle ou fictive, ce serait qui et pourquoi ?
HD : Le père dominicain Henri Didon. C‘était un ami de Louis Pasteur, un prêtre initié à la science par Claude Bernard lui même, un orateur de talent, et un athlète, qui aida Pierre de Coubertin à refonder les Jeux olympiques. C’était aussi un prêtre rebelle, capable d’envoyer bouler sa hiérarchie, et un enseignant génial. Il eut un élève insupportable dans lequel il ne perdit jamais espoir : c’était le jeune Sacha Guitry.
SM : Henri je te remercie du temps accordé pour répondre à mes questions…
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C’est un livre FORMIDABLE … lisez le … vous comprendrez!