Présentation Éditeur
Dans une Glasgow de gangsters, la substitut navigue à vue et se retrouve toujours à l’endroit où il ne faut pas.
Rien ne prépare la substitut du procureur Maddy Shannon à ce qui l’attend dans le parc de Kelvingrove, en ce matin de printemps frais et fleuri. En jupe et talons aiguilles, encore endormie, elle a bien du mal à enfiler la combinaison réglementaire pour pénétrer sur la scène du crime : deux ados morts qui se tendent les mains, le visage affreusement mutilé, en survêtement Le Coq Sportif.
Mi-italienne, mi-irlandaise, pourvue d’une solide ascendance catholique et d’une famille envahissante et sentimentale dont l’épopée fait contrepoint à l’intrigue (grand-père Nonno et sa Grande Aventure), Maddy Shannon n’a vraiment pas la tête de l’emploi et passe son temps à outrepasser ses fonctions, et son look de célibataire pulpeuse et fêtarde fait jaser dans les couloirs.
Tandis qu’on tente de retrouver l’identité de ces gamins que personne ne réclame, l’enquête remonte à une série de meurtres non élucidés du même genre à New York. Entre les bonnes œuvres, les familles de givrés et les ex-snipers de l’IRA, Maddy navigue à vue et se retrouve toujours à l’endroit où il ne faut pas, avec un remarquable sens de l’inapproprié. À force d’aller à la messe avec sa mère, elle découvrira que le salut n’est peut-être pas là où l’on croit, et que l’enfer est pavé de bonnes volontés…
Pour cette première incursion dans le roman policier, Chris Dolan frappe fort avec un personnage maladroit et attachant bien loin des flegmatiques enquêteurs d’antan, dans une Glasgow sombre et sans merci qui dévore ses enfants.
Origine | |
Éditions | Métailié |
Date | 19 avril 2018 |
Traduction | David Fauquemberg |
Pages | 352 |
ISBN | 9791022607612 |
Prix | 21,00 € |
L'avis de Cathie L.
Né à Glasgow en 1957, Chris Dolan est un poète, dramaturge et romancier écossais. Depuis 1992, il se consacre entièrement à l’écriture de romans, de nouvelles, d’essais, de pièces de théâtre, de scénarii, notamment pour la série anglaise Taggart, il écrit pour la radio, la télévision et les journaux.Son oeuvre lui a valu de nombreux prix.
Le roman
Une femme infréquentable, Potter’s Field en version originale parue en 2014, traduit par David Fauquemberg , a été publié par les éditions Métailié en avril 2018. Le style est viril, un peu brut parfois, mais avec une petite touche de légèreté et de pudeur qui en rend la lecture plus agréable. Il se caractérise par une parfaite maîtrise de la langue et son humour décalé : « Maddy avait horreur de ces salles dédiées à l’accueil du public. Aucune fenêtre. Peinture d’un bleu sinistre. Chaises d’écolier au dossier raide. Deux posters bon marché au mur. L’un du pont sur la Clyde -qu’on aurait pu voir en chair et en os s’il y avait eu une fenêtre. L’autre représentant un dauphin. Mais qui décidait de la déco ? » (Page 94) => Les phrases minimalistes participant à l’aspect incisif du style, du ton désabusé, cynique même.
Les passages en italique relatent des épisodes de l’histoire familiale maternelle de Maddy, de la grande aventure vécue par son Nonno. Un petit plus ou une partie de l’intrigue ??
Thèmes : le roman offre un aperçu de la jeunesse désœuvrée de Glasgow, de la petite délinquance : « Sy Kennedy n’était pas un ange. Vols à l’étalage. Apparemment, il piquait à peu près tout ce qui lui tombait sous la main (…) Il traînait avec la Young Team; était un cauchemar à l’école. Bref, pas un criminel de haut vol pour un garçon de quatorze ans, mais il en prenait le chemin. » (Page 72)… Les jeunes livrés à eux-mêmes happés par les gangs qui les utilisent pour leurs trafics, également dans leurs règlements de compte: Nous avons regardé ce fléau « progresser sans rien faire, tonnait le Premier ministre écossais. Au nom de la charité et de la bonne volonté, nous avons regardé nos enfants se perdre et se laisser gagner par la colère. » (Page 147).
L’intrigue
Parc de Kelvingrove. Printemps frais et fleuri. La découverte de deux adolescents exécutés d’une balle dans la tête, les membres en désordre, les têtes tordues de côté, saupoudrés de pétales blancs, « comme pour une cérémonie de mariage satanique ». Tout à coup, le printemps ne semble plus si frais et fleuri à Maddy Shannon, substitut du procureur.
Quelques jours plus tard, le corps d’une jeune fille de 14 ans est retrouvé dans un jardin, tabassée, tuée aussi d’une balle dans la tête, probablement exécutée cinq jours avant les deux jeunes retrouvés dans le parc. A-t-elle été tuée sur place ou traînée jusque-là pour l’achever ? Malgré un mode d’exécution identique, aucun lien ne semble relier les trois meurtres.
2006, dix ans plus tôt. une série de meurtres avait bouleversé la ville de New-York, aux USA : de jeunes victimes non identifiées, présentant des similitudes avec ceux exécutés à Glasgow en 2016. Affaire classée faute de pistes et d’indices probants. Afin de déterminer s’il existe un rapport entre les deux affaires, Louis Casci, inspecteur au NYPD, vient épauler ses collègues britanniques.
Les lieux
Parc de Kelvingrove, scène du premier crime: contraste saisissant entre le décor printanier, presque poétique, et la dure réalité d’une enquête pour meurtre, rendant la scène encore plus poignante que si elle se déroulait sous la pluie :
« Une brise siffle à travers les branches des cerisiers, éclaboussant Maddy d’une nuée de fleurs roses…Ce recoin de Kelvingrove, particulièrement isolé, a été bien choisi. La rivière serpente paisiblement en contrebas, les rhododendrons, pris d’une joie délirante, dansent autour d’eux, les enfermant dans un petit théâtre privé…Deux corps. Allongés côte à côte, à une cinquantaine de centimètres l’un de l’autre. Les membres en désordre, comme disposés à la va-vite, là où les garçons avaient été balancés. Des confetti de fleurs les décorant comme pour une cérémonie de mariage satanique. » (Pages 13-16).
Seconde scène de crime située à nouveau dans un jardin, linceul d’une autre adolescente :
« Les confins du jardin étaient délimités par une haie d’hortensias aux branches noueuses, puis une colonne d’arbres hauts et étroits, dressés comme des soldats au garde-à-vous…Le corps de la fille avait été retrouvé entre la haie et les arbres. Pas étonnant, en fait, qu’il ait pu rester là pendant une semaine et demie sans que personne ne s’aperçoive de sa présence. » (Page 77).
En conclusion
Une fois n’est pas coutume, le personnage enquêteur est une femme, substitut principal du procureur. Habituellement, les substitut traitent les affaires de décès suspects du fond de leur bureau, mais Maddy n’est pas un substitut ordinaire: elle aime bien se rendre sur les scènes de crime afin de se rendre compte par elle-même et interroger les membres de la police scientifique et les inspecteurs chargés des enquêtes. Nous lecteurs pouvons ainsi suivre les investigations d’un point de vue inhabituel, pénétrant les arcanes de la justice britannique.
Le + : les difficultés que rencontre Maddy dans sa carrière en tant que femme, notamment de la part de son chef : « Elle avait longtemps espéré qu’à partir de maintenant -une fois tous les diplômes requis obtenus haut la main- on lui offrirait une chance de défendre un de ses dossiers au tribunal…Il était jaloux de la carrière en accéléré de Maddy; de la publicité dont elle bénéficierait si elle gagnait une affaire aussi importante. » (Page 145)… complexé « n’ayant pas obtenu son diplôme d’avocat, Binnie n’avait jamais pu présenter lui-même une affaire de meurtre devant le tribunal de la Haute-Cour… De son point de vue, la carrière de Maddy Shannon progressait trop rapidement, le rapprochant dangereusement de lui. Dans quelques années, elle pourrait briguer le poste suprême: son poste à lui. » (Page 185).
Le ++ : l’alternance des deux points de vue, celui de la police et celui du procureur offre au lecteur une vision panoramique de la façon dont se déroule une enquête bien confortable.
Le talent de Chris Dolan réside dans sa capacité à dresser un portrait très réaliste de son personnage, faisant allusion à son passé, celui de sa famille, à des moments difficiles de ses débuts, mais également à d’anciennes affaires, un peu comme si Une Femme infréquentable prenait le train en marche du déroulement de la vie de Maddalena Shannon. Ajoutons à cela un soupçon de scènes cocasses et une pincée de scènes d’anthologie et vous obtenez un roman captivant, qui se laisse lire avec une ardeur presque frénétique et entraîne le lecteur dans les bas-fonds insoupçonnés de Glasgow, l’amenant à réfléchir sur des sujets aussi épineux que les causes de la délinquance, la façon dont nous élevons nos enfants dans un monde violent et tentons, ou pas, de les protéger des tentations multiples qui parsèment leur route.
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