Robert REUMONT : In vino veritas – 05 – Les douze coups de l’archange

Belgique
Robert REUMONT - In vino veritas - 05 - Les douze coups de archange
[amazon asin=2917843284&template=image&title=Les douze coups de l%27archange]
  • Éditions Pavillon Noir dans la collection In vino Veritas en mai 2014
  • Pages : ..
  • ISBN : 9782917843284
  • Prix : 14,00 €

PRÉSENTATION ÉDITEUR

Un meurtre commis dans un jardin du festival de Chaumont-sur-Loire sidère par sa mise en scène. La juge chargée de l’enquête appelle le commandant Boistôt comme consultant. Tous sont loin d’imaginer que ce tueur (ou cette tueuse ?) qui ne correspond à aucun profil, frappera encore dans d’autres jardins célèbres. Et que font ces mystérieuses cartes du Mont Saint-Michel auprès des victimes ?

Très médiatisée, l’affaire fait croître tension, impatience et angoisse auprès de la population et des autorités.

Dans ce polar imbibé d’humanité, Robert Reumont emmène le pittoresque Boistôt, l’inénarrable Marnay et la sculpturale et incendiaire Wyvine, dans ces magnifiques régions de France où coulent de divins vins. Ce trio frondeur et épicurien investiguera à travers toute la France jusqu’au Mont Saint-Michel.

Mystère, surprises, suspense et humour, l’auteur est belge… se liguent avec brio dans un récit palpitant.

C’est également une découverte des meilleures spécialités culinaires et gastronomiques de nos régions.

L’AVIS DE CATHIE L.

Les douze coups de l’archange, roman policier épicurien, a été publié par Pavillon Noir, marque de Corsaire Editions, éditeur indépendant, en 2014.

Le style, émaillé d’un vocabulaire riche et sensuel, est fleuri, très vif, mais néanmoins direct ; pas de langue de bois…

« On va se marrer avec un susceptible de cet acabit (…) Sa tronche a dû s’allonger jusqu’aux godillots lorsque la juge d’instruction a décidé de m’appeler ». (Page 18)…

« Un vent espiègle de fin de printemps batifole gaiement dans la cité chinonaise. Pour profiter de ces derniers jours de mai, j’ai répondu sans hésiter à l’invitation sympathique d’une terrasse de bistrot. Il flotte dans l’air une indolence estivale. Le soleil avive les couleurs des fleurs, rend éclatantes les tenues légères des passantes, fait étinceler dans mon verre l’élégante robe drapée d’or d’un sauvignon bien frais. » (Page 10).

Les chapitres courts et les nombreux dialogues donnent au roman un rythme rapide ce qui n’empêche pas, de temps en temps, une petite touche de poésie bien agréable, toujours dans un langage riche, épicurien, où l’adjectif tient une place royale :

« Ailleurs, chants d’oiseaux, musique cristalline d’eaux courantes, couleurs douces ou éclatantes, lumières âpres ou suaves, nous happent dans un tourbillon fantaisiste, léger, enchanteur, bigarré. Vivaces ou éphémères, rustiques, sophistiquées, apaisantes ou étranges, folles ou disciplinées, herbes, plantes et fleurs nous enchantent, nous incitent à la rêverie ». (Page 64).

Afin de donner au roman un ancrage dans la réalité, les personnages font parfois allusion à des faits criminels réels, comme par exemple le braquage de la banque B.N.P. Paribas rue Monge, ainsi que l’attentat contre le recteur de la Grande Mosquée, qui ont un rapport indirect avec leur propre enquête.

Malgré le ton léger employé à dessein par l’auteur, les thèmes abordés, tels que l’injustice sociale, le sectarisme religieux, sont loin de l’être. Les scènes de crime particulièrement horribles l’attestent…

La gastronomie : impossible de chroniquer un roman de Robert Reumont sans citer au moins une des nombreuses références à la gastronomie et au bon vin, comme en atteste l’extrait suivant, car, comme le dit si bien le commandant Boistôt, les bons repas sont indispensables pour recharger ses batteries et affronter les horreurs de leur métier : « Moelleuses, goûteuses à souhait, les asperges exacerbent la saveur des morilles ou…le contraire. L’Azay-le-Rideau blanc qui l’accompagne, a l’élégance du château avec sa robe scintillante. Un mets aussi délicat ouvre l’appétit. Notre frugal repas se poursuit avec une lamproie à la chinonaise. Ce poisson à la chair dense et herbacée dialogue chaleureusement avec un chinon aux tanins soyeux, fondus. » (Page 72). C’est pas parce qu’on est flic qu’on ne peut pas être un fin gourmet, que diable !!

L’intrigue

Suite à la découverte d’un cadavre dans un des jardins du Festival des Jardins, à Chaumont-sur-Loire, le commandant Boistôt est appelé comme consultant par la juge d’instruction, alors que l’enquête est officiellement confiée au commandant Transcène que Boistôt ne peut pas voir en peinture, ce qui rend la situation pour le moins délicate: « Et qu’il va falloir marcher sur des oeufs. Ce qui n’est pas votre spécialité ni celle de votre équipe, c’est notoire. Mieux vaut que vous le sachiez : « le préfet et le commandant Transcène sont grand amis (…) Ces deux messieurs bien sûr désapprouvent ma décision de vous appeler. » (Page 26).

Mais l’affaire est sérieuse. D’après les premiers éléments de l’enquête, la victime aurait été poignardée de douze coups de couteau puis disposée dans une mise en scène macabre et pour le moins intrigante, notamment avec une énigmatique carte du Mont-Saint-Michel déposée tout près.

Les questions ne tardent pas à fuser dans l’esprit alerte de Boistôt : Pourquoi l’assassin s’est-il échiné à ramener le corps dans ce jardin dédié à Rabelais, au risque d’être surpris par quelqu’un, dans cet endroit si fréquenté et si surveillé ? Et pourquoi Olivier Burette, propriétaire éleveur de vins ? Pourquoi précisément ici, à Chaumont-sur-Loire, au festival international ?

Mais l’enquête de Transcène piétine, tandis que d’autres meurtres, visiblement liés au premier, sont perpétrés dans d’autres jardins. Face à l’ampleur que prend l’affaire, Boistôt et son équipe sont officiellement intégrés à l’équipe enquêtrice par Maryvonne Manteley, directrice des affaires criminelles.

L’image de la presse : la presse occupe souvent une certaine place et joue un rôle plus ou moins important dans les polars, faisant des journalistes soit des vautours sans scrupules, soit de véritables alliés capables d’apporter leur contribution pour résoudre une enquête difficile. Il faut avouer qu’en général, dans les polars comme dans la réalité, elle n’a pas bonne presse (sans faire de douteux jeu de mot…) et est perçue plus comme une entrave que comme une aide précieuse!! Dans Les douze coups de l’archange, les journalistes sont plutôt mal vus : « Si le tueur a voulu attirer l’attention, il a réussi son coup. Une nuée de camionnettes de télévision et de voitures de presse obstrue l’entrée. La police tente canaliser les visiteurs. -Les vautours sont déjà là. » (Page 19).

Les personnages

Les nombreux personnages de ce roman, souvent hauts en couleur mais manquant d’un peu de profondeur, peuvent se ranger en deux catégories: les bons (vivants) et les imbéciles, vision un peu manichéenne qui ne retire rien à l’attrait de l’histoire.

  • Commandant Placide Boistôt, le narrateur : esprit frondeur, goût de l’indépendance même dans son travail, anticonformiste ; manie heureusement l’ironie, notamment quand il s’adresse à son ennemi juré, le commandant Trenscène; adepte des plaisirs de la vie : « Pour affronter les vilénies qui barrent sans cesse notre route, pour garder le cap, il m’est indispensable de profiter des plaisirs de cette vie si courte. Certains ressentent un irrépressible besoin de jouer les moralisateurs, fais pas ci, fais pas ça, moi j’ai besoin de convivialité, d’amitié, de complicité, de confiance. » (Page 219).
  • Wyvine : regard espiègle, yeux myrtille, volontiers gouailleuse ; porte souvent des tenues très sexy, « peu adaptées au métier d’inspectrice de police » ; femme très séduisante mais qui ne s’en laisse pas compter, surtout par les fâcheux et les imbéciles.
  • Laura Gizeux : journaliste prompte à dénoncer les radicalisations sectaires, écrit dans un style alerte maniant l’ironie avec humour et brio.
  • Arielle Malerie : journaliste ; jalousie, mauvaise foi et méchanceté sont ses principales caractéristiques ; a toujours excellé dans « l’art de miner le sujet le plus inoffensif, d’ergoter la procédure, d’envenimer les situations, de chercher la moindre faille« . (Page 21).
  • Diana Dollier : juge d’instruction ; épaisse crinière auburn encadrant un visage racé, silhouette élancée, regard vif et intelligent ; petite quarantaine ; sait adopter une attitude souple et parfois décontractée.
  • Commandant Damien Trenscène : se soucie énormément de son « image » qu’il veut conforme au rôle qu’il croit jouer dans la société; regard bovin, fine moustache ; chargé de l’enquête en cours.
  • Joseph Marnay : collaborateur de Boistôt.
  • Aubin Lépine : journaliste; grand gaillard tiré à quatre épingles, visage ridé, sacoches sous les yeux, crâne dégarni ; ancien ami d’enfance de Boistôt ; rabat-joie, triste sire, raide comme la justice.
  • Le préfet : ami de Trenscène.
  • Moyé : directeur de Boistôt et de son équipe.
  • Olivier Burette : propriétaire éleveur de vins basé à Chinon ; réputation de gai-luron, de ripailleur et de coureur de jupons ; aucun scrupules en affaires de toutes sortes.
    • Maryvonne Manteley: directrice des affaires criminelles.
  • Tanja Wietzein : jeune femme blonde d’une trentaine d’années, svelte et gracieuse, de très beaux yeux bleu lavande, regard profond et franc, nouvelle recrue dans l’équipe de Boistôt.
  • Madame Lété : directrice du Festival des Jardins.
  • Mouflih Mebtoul : candidat refusé au Festival ; cinquantaine d’années ; air revêche, barbe grise agressive.
  • Fabrice Lapaille : participant au Festival des Jardins ; individu susceptible et agressif.
  • Madame Burette : femme arrogante qui n’a de cesse de faire oublier ses origines modestes, son absence d’éducation, de culture, d’intelligence et de diplômes ; « un énorme bavarois industriel aux fraises, rond, rose, gélatineux« . (Page 107).
  • Etienne Ambroise : juge, ami de Wyvine.
  • Ibrahim Djiritoudi : Nigérien, collaborateur de Boistôt.

Les lieux

Bien que le rythme alerte de l’histoire laisse peu de place aux descriptions, et bien que se déroulant dans des endroits enchanteurs, l’auteur donne peu de détails sur les lieux dans lesquels évoluent les personnages, mais, quand il le fait, c’est toujours dans cette langue fleurie et sensuelle qui le caractérise. Notons toutefois cette jolie vue sur le château de Chinon que l’on aperçoit de la fenêtre ouverte de son bureau sur « la Loire et sur une des tours du château entouré d’arbres séculaires. Le fleuve musarde par boucles espiègles dans son lit sablonneux en éparpillant des reflets moirés. » (Page 81)

Mon avis

Un polar épicurien ?? Vous allez me dire : « Mais, ça n’existe pas…Polar et plaisirs de la vie sont deux notions incompatibles…« . Et bien, vous faites erreur ! Vous l’avez rêvé, Robert Reumont l’a fait !! Boistôt (patronyme évocateur s’il en est !!) est non seulement un bon flic, mais de surcroît un bon vivant, qui aime la bonne chère, le bon vin, et place l’amitié au rang de thérapie. Dans Les douze coups de l’archange, Robert Reumont met en balance les noirceurs de l’âme humaine avec la beauté de la vie, si courte qu’il faut profiter de chaque occasion pour se faire plaisir sans pour autant nuire à son prochain. S’il y avait un message caché derrière son intrigue, ce serait à coup sûr celui-là!!

Bien que la vision de l’auteur soit un peu manichéenne, Les douze coups de l’archange se distingue par son féminisme de bon aloi qu’il déploie sans agressivité ni méchanceté aucune, mais avec humour et panache, juste histoire de remettre les choses en place :

« Et pourquoi je ne m’emporterais pas ? C’est tordant : quand un homme se met en colère, on dit qu’il est viril, qu’il a de la personnalité, du caractère. Un vrai mec quoi ! S’il s’agit d’une femme, on ricane, on s’indigne, on lui reproche de ne pas se contrôler, d’avoir ses « nerfs » ou d’être dans sa « mauvaise semaine ». N’ayez crainte, je sais parfaitement contrôler mes nerfs mieux que certains mâles leur pulsions déplacées. Simplement une femme a droit à la colère quand on lui manque de respect. » (Page 36).

Le propre d’un bon polar est, avant tout, de divertir son public. Mais si en plus il bouscule les idées reçues et permet, à son humble niveau, de faire réfléchir et progresser les mentalités, alors il aura rempli sa mission. Robert Reumont remplit à merveille ses deux missions : l’atmosphère pesante de l’enquête est heureusement allégée par les bons mots de Boistôt et les passages où l’auteur dévoile une érudition décontractée, par exemple quand il nous raconte la légende de Gargantua au Mont Saint-Michel. Mais aussi, quand il se laisse aller à ses « coups de gueule » tels que « Le « politiquement correct » est devenu une hantise. Beaucoup n’osent plus risquer le moindre commentaire à l’encontre de certains étrangers ou de certains « originaux ». Le « politiquement correct » aveugle sert ainsi de paravent confortable à des individus qui se croient permis de bafouer les lois en toute impunité. S’ils ont l’impression qu’on risque de les gêner, ils hurlent aussitôt au racisme ou à l’ostracisme. » (Page 82)… Ou quand il peste contre le fanatisme religieux de n’importe quel bord: « Ces intégristes, doctrinaires, fanatiques intolérants de plus en plus dangereux sévissent dans tous les domaines. » (Page 167)… J’adore donner des coups de pied dans la fourmilière !!

 

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Cathie L.https://goo.gl/kulVbu
Ecrivain de romans historiques, chroniqueuse et blogueuse, passionnée de culture nordique et de littérature policière, thrillers, horreur, etc...

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