Leif DAVIDSEN : Une enquête du commissaire Per Toftlund – 1 – Le danois serbe

Danemark

INFOS ÉDITEUR

Leif DAVIDSEN - Une enquete du commissaire Per Toftlund - Le danois serbe
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Parution aux éditions Gaïa en mars 2001

Parution aux éditions Folio en octobre 2007

Traduit du danois par Monique Christiansen

Per Toftlund se doute que la venue de Sara Santanda à Copenhague ne sera pas de tout repos. La jeune femme, équivalent féminin de Salman Rushdie, est sous le coup d’une fatwa lancée par les autorités religieuses d’Iran. Sa tête est mise à prix. Les politiques ne veulent pas la rencontrer. La protection se fait sans grands moyens. Toftlund doit éviter l’attentat et gérer 24 heures de danger permanent alors que des fuites annoncent la présence d’un professionnel de la pire espèce. Un contrat. Un isolé. Un homme jeune, blond, qui se fait appeler Vuk. Un homme qui, à dix-sept ans, a quitté le Danemark et des études brillantes pour revenir en Bosnie avec ses parents. Un Serbe qui a vu les siens massacrés d’horrible manière par des voisins et amis avant de devenir à son tour, traumatisé, harcelé de cauchemars, un impitoyable tueur.

Il est l’homme idéal, il parle la langue, il est indétectable : il est le Danois serbe.

(Source : Folio – Pages : 384 – ISBN : 9782070339280 – Prix : 8,80 €)

L’AVIS DE CATHIE L.

Le Danois serbe, (Den serbiske Dansker, 1996), traduit par Monique Christiansen, a été publié en 2001 par les éditions Gaïa, puis réédité en 2007 par les éditions Gallimard, collection Folio policier.

L’auteur montre magistralement, en alternant les chapitres, comment le piège pour tuer Sara est mis en oeuvre en opposition avec la mise en place du programme de sa protection lors de son voyage au Danemark. Dans le chapitre 6, notamment, on suit toutes les actions du tueur comme si la bobine du film d’espionnage défilait devant nos yeux.

Le contexte historique

Comme ses romans précédents, l’action du Danois serbe s’inscrit dans un contexte historique bien précis, donnant des contours réels à une histoire romancée. Nous sommes au milieu des années 1990, en plein conflit opposant la Yougoslavie à la Serbie, précisément au moment de l’évacuation de la Krajina par les Serbes. « Tout le monde parlait des soldats danois qui devaient descendes là-bas sous le commandement de l’OTAN. » (Page 55)…

Leif Davidsen montre comment les relations internationales peuvent influer sur la vie d’individus confrontés à leurs choix, perdus dans un contexte général qui les dépasse; ses personnages prennent place dans un ensemble beaucoup plus vaste que leur propre vie: « Milosevic va nous vendre(…) Il veut faire sauter l’embargo et conserver le pouvoir. Il va vendre les Serbes de Bosnie (…)Nous sommes foutus. Slobodan nous a vendus pour 30 deniers d’argent. Et si les Américains le réclament, il nous livrera aussi. » (Page 75)… »Pendant cette dernière phase de la guerre, les gens restaient chez eux. Ils qualifiaient de pourparlers de paix les discussions entamées, mais Vuk les considérait comme des négociations de capitulation. Son peuple allait être vendu. » (Page 83)… »Avant les nettoyages ethniques, nous habitions dans une région à population mixte et tout le monde a commencé à s’organiser, mais mon père n’a pas voulu s’enrôler dans la milice serbe. Papa croyait en Tito et en la Yougoslavie. » (Page 262).

Les personnages fictifs sont transposés dans une « réalité fictionnelle », une reconstitution opérée par l’auteur d’après sa connaissance très aiguë du contexte de l’époque, éclairant d’un jour particulier les événements internationaux qui ont déchiré l’Europe. « Un courant intense de Russes et d’Ukrainiens entrait en Pologne en passant par la frontière ukrainienne. On ne respectait pas toujours toutes les formalités, dans ce pays de l’Est de l’ancien rideau de fer où l’économie de marché galopante avait remplacé l’économie planifiée (…) Le monde continue d’être divisé entre les riches et les pauvres. Ceux qui veulent avoir quelque chose doivent se servir seuls. » (Page 88).

L’intrigue

Dans ce roman, Leif Davidsen se penche sur un épisode sombre de l’histoire récente, celui de la fatwa lancée contre l’écrivain Salman Rushdie. Lise Carlsen, journaliste et présidente du PEN-Club danois, association internationale d’écrivains fondée en 1921 ayant pour but de « rassembler des écrivains de tous pays attachés à des valeurs de paix, de tolérance et de liberté sans lesquelles la création devient impossible », doit organiser la venue au Danemark de Sara Santanda, écrivaine iranienne frappée par une fatwa lancée par les autorités religieuses de son pays. La jeune femme veut sortir de l’ombre et dire au monde entier ce qu’elle pense de la tyrannie religieuse et du comportement des pays européens, y compris le Danemark. »Ça ne l’ennuierait pas non plus de dire ce qu’elle pense de prétendu dialogue critique de notre gouvernement avec l’Iran, dont le Danemark se glorifie à Bruxelles. » (Page 32)

Dans ce contexte lourd de menaces, la police est évidemment sur les dents, d’autant qu’elle dispose de peu de moyens et que les hommes politiques refusent de la rencontrer. Pendant ce temps, Per Toftlund, inspecteur de la sécurité chargé d’assurer la survie de la jeune femme, doit gérer 24 heures de danger permanent. C’est alors qu’il est informé par des fuites qu’un contrat est chargé de l’exécuter. Il s’agit d’un professionnel, un tueur isolé, un « Danois serbe » (individu né au Danemark de parents immigrés venus y travailler et repartis peu de temps avant l’éclatement de la Yougoslavie), nommé Vuk, membre des services secrets de l’Est en pleine déroute. Les seuls renseignements dont Toftlund dispose est que le jeune homme est blond, qu’ à l’âge de 17 ans il a abandonné de brillantes études pour retourner en Bosnie avec ses parents qu’il a vus massacrer par d’anciens voisins et amis. Traumatisé à son tour, hanté par de terribles cauchemars, il est devenu à son tour un tueur impitoyable. Il est l’homme idéal pour ce genre de mission: grand, blond, parlant le danois parfaitement, sans aucun accent, il est indétectable. Toftlund a moins de 24 heures pour le trouver et le neutraliser. »Ce sera une surveillance compliquée, Per (…)D’une part, les ressources sont minces (…)D’autre part, tu seras obligé de tenir compte du fait que le PEN-Club danois, l’écrivain et le journal voudront le plus de pub possible(…)Mais de notre côté, nous souhaitons le max de sécurité…Les politiciens vont être furieux. Ça va faire un raffut du diable. » (Pages 45/46).

Pouvoir de la presse

« Le pouvoir n’avait pas vraiment envie de se brouiller avec les medias. Si tous les medias décidaient de jouer le même air, les tempêtes qui s’ensuivraient pouvaient se lever aussi soudainement qu’une tornade de poussière au Texas, balayer le pays et faire disparaître en une journée un produit alimentaire des rayons de supermarché ou détruire en une semaine un fonctionnaire ou un homme politique. » (Page 140)… « Il avait appris qu’il importait d’avoir de bons rapports avec la presse. Et qu’il y avait peu de différence entre de bons rapports avec le journaliste d’une feuille de chou de province et de bons rapports avec l’un des journalistes du journal télévisé ou d’un grand quotidien de la capitale. Il fallait bien les traiter, répondre à leurs questions et leur offrir de temps à autre un bon scoop en leur payant un déjeuner. » (Page 61).

Les personnages

  • Lise Carlsen : journaliste, mariée; la trentaine, blonde, mince, jolie. Présidente du PEN-Club danois.
  • Ole Carlsen : mari de Lise, psychologue.
  • Tagesen : rédacteur en chef de Lise.
  • Sara Santanda : écrivaine iranienne, condamnée à mort par les autorités religieuses de son pays.
  • Per Toftlund : inspecteur de la sécurité chargé de veiller sur Sara pendant la durée de son séjour ; célibataire : « Il tenait son appartement lui-même(…) Ancien militaire, il se plaisait dans un ordre fonctionnel. Il aimait les appartements bien tenus, les chemises et les pantalons bien repassés, les chaussures bien cirées, et l’armée lui avait appris à s’occuper de tout ça lui-même. » (Page 35).
  • Vuldom Jytte : patronne de Per.
  • John Nikolajsen : équipier de Per.
  • Bente Carlsen : équipière de Per.
  • Frands Petersen : équipier de Per.
  • Johannès Jorgensen : membre du parlement, comité de politique extérieure.
  • Carl Bang : 1er ministre, ami d’études de Tagesen.
  • Torsten Hansen : journaliste.
  • Le Commandant : soldat serbe.
  • Radovan : chauffeur du Commandant.
  • Vuk : le Danois serbe ; blond, grand, mince.
  • Kravtchov : contact russe du Commandant.
  • Igor Kanmarassov : attaché culturel de l’ambassade de Russie au Danemark.
  • Mickaël : copain d’enfance de Vuk.

Les ambiances

Le Danois serbe est avant tout un roman d’ambiances : ambiance film d’espionnage, au temps où la Guerre froide sévissait, où l’Europe constituait le terrain de jeu des espions de toutes sortes :

« Un transfuge arrive en ville. Ou un agent. Nous voulons qu’il reste un peu à notre disposition. Nous devons l’interroger. Nous le logeons ici dans un lieu agréable et sûr. Facile à surveiller. Nous connaissons le quartier par cœur. La cour n’est pas trop grande. C’est un quartier ordinaire. Tout a été contrôlé autour de l’appartement. Il y a des alarmes cachées. Nous pouvons le surveiller depuis l’appartement d’en face. » (Page 153).

« Kravtchov arriva accompagné d’un homme mince mais petit, aux cheveux noirs (…)Kravtchov laissa d’abord entrer l’Iranien. Vuk ne bougea pas. Il attendit un quart d’heure, mais personne d’autre n’arriva. Alors, il remonta la rue et la redescendit sur le trottoir opposé. Les promeneurs nocturnes étaient rares. Les deux hommes étaient seuls. » (Page 113)…Et un peu plus loin: « Vuk descendit sans se presser, la valise à la main, sur le quai du train de banlieue, composta un trajet et monta dans le premier train qui se présenta. Il ressortit à la station suivante, attendit un instant en inspectant le train sur toute sa longueur et y remonta à l’instant où les portes se refermaient. Tout paraissait normal. Aucune panique sur le quai. » (Page 206).

Immersion dans le Danemark des années 1990, véritable arrière-plan du roman, ambiance dans laquelle les personnages évoluent, donnant quelques clefs au lecteur :

« Bien que l’un ait choisi les medias et l’autre la politique (…)ils étaient persuadés qu’en un sens, ils ne se trouvaient pas diamétralement opposés et que la symbiose des medias responsables et des hommes politiques de Christiansborg était le fondement même de la démocratie(…) Dans un pays si petit, on ne pouvait éviter que les potentats des medias, du fonctionnariat et du régime politique se connaissent plus ou moins intimement. » (Page 59)

« Dès lors que des journalistes et des hommes politiques étaient impliqués en même temps, il savait qu’il allait être complètement invraisemblable de garder le secret sur quoi que ce soit. Laisser filtrer des informations et s’en rejeter mutuellement la faute, c’est de cela qu’ils vivaient. La majorité des hommes politiques auraient vendu leur mère pour paraître deux minutes au journal télévisé. » (Page 42)

« Bang était réputé être un grand tacticien. Il fallait l’être dans la politique danoise pour survivre assez longtemps en tant que gouvernement provisoire. » (Page 147).

Réalité du Danemark : « Les Danois sont une tribu. Pour que quelqu’un soit considéré comme Danois, il faut qu’il ou elle parle la langue sans accent. Quand on ne sait pas la langue, on s’exclue de cette petite tribu. » (Page 286).

Mon avis

Dans Le Danois serbe, Leif Davidsen, virtuose du genre policier/espionnage, propose une vision lucide du monde de l’après URSS, mais sans verser dans l’amertume ou la rancœur. Il décrit avec beaucoup d’intelligence et d’humanité les répercussions au niveau international mais aussi au niveau individuel du raz de marée qui a submergé l’Europe de l’Est, dévastant sur son passage les repères d’un monde moribond.

Il met sa plume de journaliste au service de la vérité de ces hommes et de ces femmes qui ont souffert dans leur chair, mais aussi dans leur âme, des atrocités de la guerre, broyés par un système cannibale basé sur le profit, le pouvoir et l’argent: dans une fiction romanesque passionnante, Leif Davidsen raconte sans juger, décrit sans trancher en faveur de l’un ou de l’autre, dans une intrigue extrêmement bien ficelée, au suspense haletant. C’est ce qui fait la force de son roman.

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Cathie L.https://goo.gl/kulVbu
Ecrivain de romans historiques, chroniqueuse et blogueuse, passionnée de culture nordique et de littérature policière, thrillers, horreur, etc...

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