Elsa OSORIO : Double fond

Argentine
Elsa OSORIO- Double fond
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  • Éditions Métailié le 18 janvier 2018
  • Traduit par François GAUDRY
  • Pages : 400
  • ISBN : 9791022607339
  • Prix : 21,00 €

PRÉSENTATION ÉDITEUR

Qui est Juana ? Une militante révolutionnaire qui a trahi ? Une mère qui échange sa vie contre celle de son enfant ? Ou la prisonnière d’un cauchemar qui tente de survivre ?

Marie Le Boullec, médecin urgentiste sans histoire, est retrouvée noyée dans l’Atlantique, près de Saint-Nazaire. La jeune journaliste Muriel Le Bris, vive et têtue, ne croit pas à la thèse du suicide et se lance dans une enquête avec l’aide d’une vieille amie de la victime. Elle découvre en même temps que le lecteur les heures sombres de l’Argentine à la fin des années 70.

Elle trouve aussi des mails dans lesquels une mère écrit à son fils pour lui raconter pourquoi il a dû grandir sans elle. Jeune militante révolutionnaire prise dans les rets de la dictature, elle échange sa liberté contre la vie de son enfant. Elle finit par collaborer avec le pouvoir puis au Centre pilote de Paris. Traître aux yeux de tous, avec la survie pour seul objectif, elle va disparaître.

Elsa Osorio construit un kaléidoscope vertigineux qui révèle le destin d’une femme prête à tout pour sauver son enfant. Les péripéties s’enchaînent, haletantes : tortionnaires mafieux, violence, passion et habileté à jouer avec les identités clandestines, dans un intense suspense psychologique. L’auteur de Luz ou le temps sauvage atteint ici le sommet de son art de romancière profonde et habile.

L’AVIS DE LUCIE MERVAL

2004 – Une femme est retrouvée noyée près de Saint Nazaire. Suicide ou assassinat ? Une jeune journaliste locale, Muriel, va creuser la vie de « La femme de La Turballe ». Qui était vraiment Marie Le Bouellec, ce médecin qui sauvait des vies ? Etait-elle vraiment celle qu’elle prétendait être ? A l’aide de Marcel, un ami et de Geneviève, la voisine de la défunte, ils commencent à jouer les apprentis détectives mais on leur fait bien comprendre que leurs investigations secrètes ne doivent pas s’étaler à la une et nuire aux notables de la ville…

La découverte de mails, d’une correspondance écrite en espagnol les mène à s’intéresser à la dictature en Argentine, précisément entre 1976 et 1983, période d’instabilité politique où de nombreuses personnes on disparues. C’est là que l’on (re)découvre que certains détenus au lieu d’être envoyés dans des camps, disparaissaient en mer, jetés d’un avion. Une série de meurtres appelée « Les vols de la mort ».

Comment ne pas faire le lien avec « La femme de la Turballe » qui semble être tombée de haut d’après le légiste ?

En parallèle de cette enquête, le lecteur découvre en italiques, la lettre d’une femme qui tente d’expliquer à son fils pourquoi ils n’ont jamais pu vivre ensemble. Les mots de cette femme, qui n’a jamais vu de lumière dans sa vie, qui n’a eu de cesse de résister, de vouloir protéger sa vie, ses camarades et surtout celle de son fils quitte à l’éloigner d’elle, nous questionnent, nous bouleversent…

Pour mieux comprendre, certains chapitres nous mènent en 1976 à la découverte de Juana, une militante révolutionnaire enlevée et torturée à l’ESMA (Ecole mécanique de marine – centre de torture pendant la dictature militaire argentine). Une femme séduisante, de celles qui coupent le souffle de par sa ténacité, son intelligence et qui durant des années jouera le jeu de la repentance pour survivre dans ce couloir de la mort.
Parfois, un rai de lumière dans l’obscurité, quand elle rencontre Yves « Elle a tellement envie de se comporter comme si elle était une personne normale, dans un monde d’être libres » (P.35)

Au fil du temps, ses tortionnaires, étant franco-argentine, lui donnent plus de responsabilités (même si elle toujours leur prisonnière) en l’envoyant au Centre Pilote de Paris, chargé de contrecarrer la campagne anti-argentine lancée par des subversifs.

Considérée comme un outil par des hommes ayant de grandes ambitions politiques pour le pays, comme « une belle acquisition » par Raul qui est à la fois son bourreau, son amant et celui qui a laissé son fils en vie, elle tente de survivre à cette vie imposée. Viendra le jour où la dictature cessera et elle racontera tout.

Le goût de la liberté, elle le trouvera pendant deux jours avec Yves : «  Soudain dans cette maille noire, serrée, un petit trou est apparu laissant entrer une clarté dont elle avait perdu le souvenir, elle y a passé la tête, comme quelqu’un qui se noie parvient à remonter quelques instants à la surface, aspire d’énormes goulées d’air, en veut plus et encore plus » (P.119)

Comment s’emboîtent ces trois histoires ? C’est tout le génie d’Elsa Osorio de nous faire douter jusqu’au bout en intercalant les chapitres, les époques. Ces trois femmes se connaissent-elle ou sont elles les mêmes personnes ? Quel lien avec « La femme de la Turballe » ? Il faut dire que les identités féminines sont nombreuses dans le roman, de quoi se mélanger un peu mais peut être-ce pour mieux nous surprendre ?

Nous plongeons à corps perdu dans cette période sombre de l’histoire sans jamais avoir un moment de répit jusqu’à la toute fin.

Un texte magnifiquement construit et écrit et dont le titre prend tout son sens, une fois la lecture achevée. Passionnant et nécessaire !!!

L’AVIS DE SOPHIE PEUGNEZ

Une femme est retrouvée noyée à la Turballe. Muriel, jeune journaliste, se passionne très vite pour ce dossier. Elle n’a pas envie de se berner par les apparences et elle décide d’en savoir plus sur cette femme qui se nommait Marie, très discrète, médecin. Elle va notamment beaucoup échanger avec la voisine de cette dernière. Son papier va plaire aux lecteurs qui en redemandent. Elle découvre que cette femme a changé de nom et elle essaie de comprendre pourquoi cette Argentine a pratiquement coupé le lien avec ses compatriotes. Et pour comprendre tous les mails en espagnol, elle sera obligée d’accorder sa confiance à un traducteur. Les investigations non officielles seront menées par ce trio (la journaliste, la voisine, le traducteur).

C’est la lettre d’une mère qui explique à son fils leur rendez-vous raté. Lui qui pense qu’elle l’a abandonné deux fois dans sa vie. Dans leurs premiers échanges via le web, elle parlera d’elle à la troisième personne pour décrire une vie compliquée sous la dictature, son « pseudo » en tant que militante, les hommes qu’elle a aimé, ceux qu’elle a du subir pour continuer à survivre.

A qui faire confiance ? Même lorsque les années sont passées. La peur de voir certaines vérités ressurgirent peut pousser à tuer à moins que ce soient certains sentiments qui brouillent l’esprit et poussent au pire.

Dans « Double fond » publié aux Editions Métailié, Elsa Osorio expose un pan de l’histoire de son pays souvent méconnu par beaucoup de français. Dans un juste équilibre de fiction et de recherches historiques, elle évoque à la fois la dictature avec toutes ses exactions (gens emprisonnés, tués en étant jeter à la mer d’un avion, enfants soustraits à leurs parents, femmes violées…), les choix qu’on fait certains (de devenir des militants révolutionnaires, d’être obligés de couper les liens avec la famille), les exilés, les réactions politiques notamment de la France à l’époque.

C’est un roman polyphonique dense et exigeant. Marie, Sole, Soledad, Juana, elle a du porter plusieurs noms au fil de sa vie pour survivre et parce qu’ils symbolisent une période de sa existence.

Le lecteur devient l’ombre de la journaliste Marie, il avance, il tâtonne, il découvre l’histoire de l’Argentine, riche et complexe. Certains connaissent parfaitement cette période et pourront se laisser porter par le récit, d’autres comme moi prendront plus de temps pour réfléchir, pour comprendre les liens et l’évolution historique. Mais c’est aussi la force d’un texte, quand il vous sort de votre zone de confort et qu’il vous pousse à ouvrir d’autres livres, à faire des recherches et avoir envie de rencontrer l’auteur. Je n’ai pas la prétention de pouvoir transmettre tout ce que j’ai découvert dans ce récit mais j’ai trouvé très intéressant cette immersion. J’ai eu le plaisir de pouvoir en parler avec Elsa Osorio, on sent combien c’est important pour elle d’échanger.

Un style très élégant avec de la douceur et de l’énergie. Elsa Osorio m’a donné le sentiment d’avoir fait de belles rencontres. Et sur le ton de la confession, j’ai pu découvrir un pan de l’Histoire sans oublier la part que l’on doit laisser à la fiction.

C’est aussi une très belle déclaration d’amour. Passion amoureuse. Et une véritable réflexion sur le lien filial, jusqu’où est-on prêt à aller pour préserver son enfant ?

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Sophie PEUGNEZ
Co-fondatrice de Zonelivre.fr. Sophie PEUGNEZ est libraire et modératrice professionnelle de rencontres littéraires. Elle a été chroniqueuse littéraire pour le journal "Coté Caen" et pour la radio.

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